Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/325

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était sûr d’avoir un traître sous la main, il fallait le poursuivre et arriver à la découverte de la vérité.

Je demande au témoin : Est-ce que le bordereau attribué en 1894 au capitaine Dreyfus n’était pas la base de l’accusation, ou de la présomption de culpabilité qui, aux yeux de M. le colonel Picquart pesait sur Esterhazy, base plus solide même que la dépêche, le petit bleu?

M. le colonel Picquart. — Pour moi, c’était la base la plus sérieuse.

Me Labori. — Est-ce que M. le colonel Picquart en avait fait part à M. le général Gonse?

M. le colonel Picquart. — Parfaitement.

Me Labori. — Comment alors M. le général Gonse pouvait-il dire qu'il fallait distinguer l’affaire Dreyfus de l’affaire Esterahzy?

M. le colonel Picquart. — Cela, il me l’a dit, c’est très juste; il m'a dit qu'autant que possible il ne fallait pas confondre, qui fallait continuer l’affaire Esterhazy, mais ne pas la mêler à l'affaire Dreyfus.

Me Labori. — Mais si M. le commandant Esterhazy avait été reconnu être l'auteur du bordereau, l’accusation portée de ce chef contre Dreyfus ne tombait-elle pas nécessairement ?

M. le colonel Picquart. — Oui, c’est pour cela que je n’ai jamais compris cette disjonction. (Rires dans l'auditoire.)

Me Labori. — M. le Général Gonse parle, dans la même déposition, de documents dont il était question relativement à M. le commandant Esterhazy :

Il (c'est le colonel Picquart) me disait, notamment, que le commandant Esterhazy allant sur les champs de tir au milieu des officiers d'artillerie, leur avait demandé des renseignements confidentiels et secrets, et qu'il leur avait fait des questions indiscrètes au point de la défense nationale. Le colonel Picquart me dit, en outre, que rentré à son régiment, il avait fait copier par des sous-officiers et des secrétaires des documents confidentiels; il parlait aussi d’écriture; nous n'en parlerons pas, c’est un fait connu.

Sont-ce les documents dont il est question dans une lettre de M. le général Gonse ?

M. le colonel Picquart. — Très probablement. Puisque le général Gronse ne voulait pas que je m’occupe de l’affaire Dreyfus, je ne devais pas faire rechercher si Esterhazy avait fait copier les documents cités dans le bordereau, mais je devais rechercher si Esterhazy avait fait copier d’autres documents.

Me Labori. — Est-ce que M. le colonel Picquart a eu des rapports directs avec M. le Ministre de la guerre Billot?

M. le colonel Picquart. — Un chef du service des renseignements a toujours des rapports directs avec le Ministre.