Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/324

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M. le colonel Picquart. — Oui, mais ils ne m’ont pas dit de m’arrêter.

Me  Labori. — Cependant, M. le colonel Picquart a senti que les dispositions de ses chefs n’étaient pas les mêmes?

M. le colonel Picquart. — De certains de mes chefs.

Me  Labori. — A ce moment-là, M. le colonel Picquart ne pouvait ignorer, et il a dû le comprendre, qu’en se heurtant aux sentiments de ses chefs, il pouvait briser son admirable carrière.

M. le colonel Picquart. — Mon Dieu!... Je répète que, si on m’avait donné l’ordre de cesser, j’aurais cessé; je sentais simplement que ce n’était pas très agréable; j’ai continué tout de même parce que j’ai pensé que c’était mon devoir; je n’aurais cessé que sur un ordre formel... Je le répète, je ne sais pas ce que j’aurais fait ensuite, mais j’aurais cessé.

Me  Labori. — Cet ordre formel, M. le lieutenant-colonel Picquart ne l’a jamais reçu?

M. le colonel Picquart. — Non.

Me  Labori. — Monsieur le colonel Picquart sait il les explications que M. le général Gonse donne de sa correspondance, correspondance qui a été analysée, publiée dans un journal, ou dans certains journaux, et dont a parlé M. Scheurer-Kestner à la barre, ce qui fait que cette correspondance appartient à la justice?

M. le colonel Picquart. — Je n’en ai pas une idée très nette.

Me  Labori. — Eh bien ! je vais demander à M. le colonel Picquart la permission de lui faire connaître les explications de M. le général Gonse :

Mes lettres, a-t-il dit, avaient un seul but, — je ne les réciterai pas, puisqu’un journal les a publiées ce matin, — elles n’avaient qu'un but, rechercher si le commandant Esterhazy était réellement coupable.

Puis, plus loin:

Il n’entrait pas dans ma pensée de demander au colonel Picquart de revenir sur l’affaire Dreyfus ; c’était l’affaire Esterhazy, seule, qui était en cause dans ces lettres.

Voilà ce que je tenais à établir.

Voilà ce que disait M. le général Gonse à l’audience d’avant hier, et, à l’audience d’hier, M. le général Gonse, tenant à préciser ses déclarations au sujet de ces lettres, les reprenait.

Il disait encore — c’est le point que je me permets de signaler au témoin:

Je lui ai dit alors : « Il faut distinguer les deux affaires, d’une part celle du capitaine Dreyfus et de l’autre celle du commandant Esterhazy, et ne s’occuper que de l’affaire Esterhazy » et je lui dis que s'il