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ges qu’il avait relevées contre M. le commandant Esterhazy se trouvait celle-ci, à savoir qu’un document du dossier secret s’appliquait à Esterhazy beaucoup plus qu’à un autre ?

M. le colonel Picquart. — Parfaitement.

Me Labori. — Qu’est-ce que c’est que ce dossier secret ? Il y a donc un dossier secret?

M. le colonel Picquart. — Le rapport du commandant Ravary en parle.

Me Labori. — Et c’est précisément pour cela, puisque nous en sommes au rapport Ravary, que je suis en plein dans l’affaire qui nous préoccupe... Ce dossier secret, depuis quand existe-t -il ?

M. le colonel Picquart. — Je ne pourrais pas vous le dire; mais le commandant Henry pourra vous donner des renseignements à ce sujet.

Me Labori. — Est-ce que M. le colonel Picquart a connu ce dossier quand il était au service des renseignements ?

M. le colonel Picquart. — Je savais qu’il existait, mais je n’en ai pris connaissance, pour la première fois, que lorsque je l’ai demandé à M. Gribelin, à la fin d’août 1896.

Me Labori. — Ce dossier existait-il avant l’arrivée de M. le colonel Picquart au service des renseignements ?

M. le colonel Picquart. — Oui.

Me Labori. — Est-ce qu’il existait en 1894 ?

M. le colonel Picquart. — Je n’en sais rien... Comment ?... s’il existait, constitué... ?

Me Labori. — Plus ou moins complet?.. Car, cela résulte de la déposition du général de Boisdeffre, qui a parlé de documents antérieurs et postérieurs à la condamnation de 1894. Mais, en principe, M. le colonel Picquart sait-il, — s’il ne le sait pas, il peut avoir une opinion là-dessus, — sait-il qu’un dossier secret existait en 1894?

M. le colonel Picquart. — Je crois qu’il existait ; mais, je vous le répète, le colonel Henry pourra vous donner des renseignements plus précis à cet égard. Je n’ai, quant à moi, connu ce dossier que vers la fin du mois d’août 1896.

Me Labori. — Ici, je vais poser une question que je désire bien préciser; je ne demande pas à M. le colonel Picquart ce que contient le document dont il a parlé et qui s’appliquerait à Esterhazy; je lui demande quelle est sa nature; est-ce une lettre, est-ce une pièce?... Peut-il nous répondre ?

M. le colonel Picquart. — Ce sont là des choses tout à fait secrètes. Je désirerais beaucoup parler à cet égard; seulement je considère que je ne puis pas le faire sans être délié du secret professionnel par M. le Ministre de la guerre. S’il veut bien m’en délier, je parlerai; sinon, je ne parlerai pas.

Me Labori.— Monsieur le Président veut-il me permettre de faire très rapidement une observation à M. le colonel Picquart. Je crois qu’ici, j’ai déjà eu l’honneur de poser la question à M. le général de Boisdeffre..., il ne saurait être question du secret professionnel, c’est beaucoup plutôt le secret d’Etat... Il