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lation Castelin. Je reçus l’ordre de partir en mission l’avant-veille de cette interpellation, c’est-à -dire le 16 novembre 1896.

Je dois dire qu’après la publication du bordereau par le Matin, ou vers cette époque, Esterhazy est venu à Paris où son attitude a été extraordinaire. Quelqu’un l’a vu, le lendemain, je crois, de la publication, courant comme un fou dans les rues, sous une pluie battante. Le témoin est connu ; on aurait dû l’entendre : on ne l’a pas fait.

Avant l’interpellation Castelin, M. Weil, ami d’Esterhazy, a reçu une lettre anonyme lui annonçant que lui et son ami allaient être dénoncés à la tribune comme complices de Dreyfus. Il parait qu’Esterhazy a reçu une lettre anonyme conçue dans le même sens... mais je ne puis certifier le fait que pour M. Weil.

Je ne m’étendrai pas sur les diverses péripéties de ma mission. Parti de Paris le 16 novembre, je suis arrivé à Tunis le 13 janvier, en passant par les Alpes et par beaucoup d’autres endroits.

Jusque-là, mes relations étaient restées parfaitement cordiales avec mes chefs ; je recevais des lettres du général Gonse dans lesquelles il me serrait toujours la main très affectueusement.

Mais il faut que je dise une chose qui s’est passée pendant que j’étais absent, que je n’ai sue qu’ici, lors de l’enquête du général de Pellieux... Je crois qu’il sera plus clair de parler de cela immédiatement. Après que j’eus quitté Paris, — c est le général de Pellieux qui me l’a appris, — on décachetait mon courrier à mon ancien bureau. Comme je ne devais dire à personne où j’allais, j’avais dit chez moi qu’on adressât toutes mes lettres au ministère de la guerre. Cela faisait que tout mon courrier passait par le ministère, que toutes mes lettres étaient décachetées. M. le général de Pellieux m’a montré la copie d’une de ces lettres. J’avoue à ma honte que je ne m’étais pas aperçu qu’elle avait été décachetée. Cette copie paraît bizarre. La lettre émane d’un brave garçon que j’aime beaucoup, que j’ai mis comme secrétaire chez une dame dont il a été parle ces jours-ci, Mlle de Comminges. Cette lettre parle d’un demi-dieu, parle d’un Gagliostro, d’un tas de choses qui sont très simples par elles-mêmes, mais qui semblent extraordinaires quand on a l’esprit prévenu.

J’expliquerai quand on voudra ce que veulent dire les termes de cette lettre.

Mais ceci n’est rien. On m’a montré en outre une lettre que je n’avais jamais reçue ; la copie dont je viens de parler est des environs du 20 novembre ; la lettre dont je parle maintenant est du 15 décembre. Le général de Pellieux me l’a montrée, c'est chez lui que je l'ai vue pour la première fois. Je ne sais pas pourquoi on me l'a pas réexpédiée ; car, autant que je m'en souviens, elle avait été ouverte suivant le procédé du cabinet noir, c’est-à-dire de façon à pouvoir, au besoin, être refermée. Ouand le général de Pellieux m’a montré cette lettre, je lui ai