Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/288

Cette page n’a pas encore été corrigée

vous le dire. » — « Enfin, c’est d’une époque antérieure...» — Je lui répondis : « Non, c’est postérieur. »

Alors M. Berlillon me dit textuellement ceci : « Les juifs font depuis un an exercer quelqu’un pour avoir l’écriture du bordereau. Ils y ont parfaitement réussi, c’est évident. » Je laissai deux jours la photographie de la lettre du commandant Esterhazv et une photographie du bordereau entre les mains de M. Bertillon. Au bout de ces deux jours, M. Bertillon arriva en me disant identiquement ]a même chose qu’il m’avait dite deux j ours auparavant.

La seconde personne à qui je montrai un échantillon de l’écriture du commandant Esterhazy fut le colonel du Paty, alors commandant. Je ne le lui laissai que quelques minutes, cinq minutes, je crois, et il me dit : « C’est l’écriture de M. Mathieu Dreyfus. » Il faut vous dire, pour expliquer cela, que le colonel du Paty prétendait que, pour écrire le bordereau, Alfred Dreyfus avait fait un mélange de son écriture avec celle de son frère. Enfin, l’indication était précieuse pour moi. Il y avait encore autre chose qui pouvait attirer mon attention sur le commandant Esterhazy et j’y reviendrai an moment où je parlerai des enquêtes. Un agent avait dit qu’un officier, —je ne sais plus si c’est un officier supérieur ou un chef de bataillon, je ne veux pas préciser, n’étant pas tout à faire sûr, — mettons que ce soit un officier supérieur, lequel était âge d’environ cinquante ans, — fournissait aune puissance étrangère tels et tels documents. Or, tels et tels documents étaient précisément ceux dont m’avait parlé le camarade auquel je m’étais adressé, lorsque j’avais découvert la carte-télégramme.

Je viens de vous exposer la question des écritures ; j’arrive maintenant à une période où je fus chargé par le général Gonse de rechercher, ainsi qu’on a pu le voir par les lettres, si des documents qui figuraient au bordereau avaient pu être copiés au profit du commandant Esterhazy. Je savais que le commandant Esterhazy faisait copier chez lui pas mal de documents qu’il se procurait. On m’avait dit de m’adresser aux secrétaires qu’il avait eus, pour tâcher de savoir par là s’il avait copié réellement ces documents.

La chose était très grave. Je vous avoue qu’à ce moment-là je considérais presque ma tâche comme terminée. Je me disais : voilà une carte-télégramme qui m’a mis sur la trace d’Esterhazy : ce n’est pas un document suffisant pour le faire condamner, mais c’est un indice. Ensuite, nous avons la déposition d’un agent - ce n’est pas encore suffisant — mais enfin, il y a cette coïncidence étonnante ! cet agent dit : « Voilà un homme qui fournit telle ou telle chose », et d’autre part un camarade de régiment d’Esterhazy me dit : « Cet officier demande telle ou telle chose. » Enfin, il y avait encore autre chose à ajouter à tout cela ; autre chose que je ne veux pas préciser davantage, car je ne suis pas autorisé à dévoiler le secret ; mais enfin, dans le rapport Ravary, il y a une phrase caractéristique. M. le commandant