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DÉPOSITION DE M. LE COMMANDANT
PAUFFIN DE SAINT-MOREL

Me  Labori. — Je voudrais savoir de M. le commandant Pauffin de Saint-Morel quelles sont les communications qu’il est allé faire à M. Rochefort, et si c’est à l’insu ou a la connaissance de ses chefs qu’il est allé chez lui.

M. le Président. — Quelque pénible que soit cette déclaration, je vous prierai de répondre... dans la mesure, bien entendu, qui convient.

M. Pauffin de Saint-Morel. — La démarche que j’ai faite, je l’ai faite entièrement et uniquement de ma propre initiative ; j’ai agi sous l’influence qui avait été produite à l’Etat-major par la campagne et les attaques qui l’accompagnaient. On prêtait à l’Etat-major une attitude équivoque ; j’ai cru pouvoir dire à M. Rochefort, que je connaissais un peu pour le rencontrer de temps en temps, ce qu’on disait hautement et sans aucun mystère autour de moi, à l’Etat-major.

Je ne cherche pas d’ailleurs à m’excuser ; j’ai eu tort et j'ai été frappé ; je m’incline.

Me  Labori. — Je n’ai pas fait poser la question a M. Pauffin de Saint-Morel pour me permettre la moindre incursion dans le domaine de sa conscience ; seulement, je voudrais qu’il répondît à ma question. M. Pauffin de Saint-Morel vient de dire qu'il était allé porter à M. Rochefort des paroles que tout le monde répétait autour de lui. Je lui demande quelles étaient ces paroles, quelles sont les communications qu’il a faites ?

M. Pauffin de Saint-Morel. — Je n’ai pas porté de paroles à M. Rochefort ; je suis allé, de ma propre initiative, le trouver. Ce que je lui ai dit, c’est ce qu’on disait hautement autour de moi, je le répète ; je ne peux pas dire exactement ce que je lui ai dit. Ce n’est pas non plus une communication que je lui ai faite, c’a été simplement une conversation un peu à bâtons rompus, mais dont je me rappelle très bien le sens, sans pouvoir en préciser les paroles. Le but principal de cette conversation, que je me rappelle très bien, a été d’affirmer absolument la conviction intime et formelle de l’Etat-major à ce moment, conviction qui était basée sur la chose jugée et sur des faits absolument probants, d’où impossibilité pour l’Etat-major d'admettre qu’on pouvait substituer le commandant Esterhazy au capitaine Dreyfus.

Me  Labori. — Je prierai monsieur le commandant Pauffin de Saint-Morel — je crois que j’ai le droit d’insister, puisqu'il a cru pouvoir prendre M. Henri Rochefort comme confident des faits dont il s’agit, — je le prierai de nous dire sur quoi était basée cette conviction de l’Etat-major. Car si elle n’est qu'une impression, elle ne compte pas ; si au contraire elle est basée