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le commandant Esterhazy ; il l’accusait formellement d'être l’auteur du bordereau qui avait fait condamner son frère : il se basait dans son accusation sur une similitude absolue d'écritures. Le 16, je reçus, du gouverneur militaire de Paris, l'ordre de faire une enquête purement militaire. J’étais chargé de mettre M. Mathieu Dreyfus en demeure d’apporter la preuve de son accusation. Je fis venir M. Mathieu Dreyfus, il ne m’apporta aucune preuve d’aucune espèce, rien que des allégations.

En réalité, mon enquête était virtuellement terminée. Je n’étais chargé que de lui demander la preuve, mais je sentais, devant l’émotion publique qui s’était produite à la suite de la dénonciation, que je ne pouvais pas m'arrêter.

Du reste, sur ces entrefaites, je recevais une lettre de M. Mathieu Dreyfus me demandant d’entendre M. Scheurer-Kestner, vice-président du Sénat. Je convoquai M. Scheurer-Kestner qui se rendit immédiatement à mon invitation ; je demandai à M. Scheurer-Kestner son dossier ; il me répondit qu’il n’en avait pas, mais que M. Leblois en avait un et qu'il ne doutait pas qu’il ne me le communiquât. M. Scheurer-Kestner me fit en outre la déclaration suivante, que j'écrivis sous sa dictée :

« Je ne connais pas le colonel Picquart, je ne l'ai jamais vu je n’ai eu avec lui aucun rapport direct ni indirect ; si on ne’ fait pas venir le colonel Picquart, l’enquête ne sera ni sérieuse, ni sincère, ni complète. »

J’écrivis cette déclaration sous la dictée de M. Scheurer-Kestner ; je n’avais rien à lui demander, il se retira.

Je convoquai alors M. Leblois. M. Leblois vint. Il avait un dossier ce dossier se composait de lettres, fac-similés d’écriture du commandant Esterhazy, d’un télégramme en lettres d’imprimerie qui avait été adressé à M. Scheurer-Kestner et dont je ne me rappelle pas les termes, puis, il y avait quatorze lettres du général Gonse. Ces quatorze lettres, il me les montra ; je les lus, je lus également les brouillons des lettres adressées par le colonel Picquart à M. Leblois. Il me dit qu’il avait eu des relations très anciennes avec^ le colonel Picquart, qu’il avait été souvent le voir au ministère et il me fit l’historique de ses relations avec le colonel Picquart au ministère.

Ces relations sont donc avouées. M. Leblois a été au ministère de la guerre, il a entre les mains des lettres du colonel Picquart... Mais avant de poursuivre, je vous demande la permission de revenir en arrière sur la déposition de M. Scheurer-Kestner. M. Scheurer-Kestner me dit en outre : «Voyez M. Leblois, il a un dossier, je ne doute pas qu'il ne vous le communique ; il m’a dit qu’il existait au ministère de la guerre un dossier contre le commandant Esterhazy dans lequel se trouvait une pièce qui prouvait sa trahison. »