Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/241

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M le Président. — Nous ne pouvons pas tout dire à la fois.

M. le commandant Ravary. — Il y a une erreur, c’est un dossier secret.

Me Labori. — Je rectifie ; disons un dossier secret.

Une photographie portant ces mots : Cette canaille de D... était sortie du dossier et étalée sur le bureau.

Je demande d’abord, non pas ce que contenait ce dossier, puisqu’il est secret, — et qu’on ne manquerait pas de me répondre comme toujours : « Je ne répondrai pas », — mais je demande ce qu’il concernait, et quelle affaire..., cela n’a rien de secret ?

M. le Président. — Pouvez- vous répondre à cette question ?

M. le commandant Ravary. — Je ne saisis pas très bien... Un témoin a dit, paraît-il, qu’il y avait une pièce étalée entre M. Leblois et M. le colonel Picquart.

M. le Président. — C’est dans l’affaire Esterhazy ?

M. le commandant Ravary. — Oui, c’est dans l’affaire Esterhazy ; je n’en sais pas davantage.

Me Labori. — A moins qu’il ne soit entendu que toujours on trouvera une échappatoire, j’insiste avec la plus grande énergie pour obtenir une réponse de M. Ravary ; nous sommes ici en plein dans l’affaire Esterhazy, nous avons le rapport de M. Ravary dans cette affaire. M. Ravary faisait les fonctions de rapporteur et il était chargé officiellement de l’instruction de l’affaire ; il n’est pas possible qu’il ait accepté des témoignages, — lesquels d’ailleurs, et je fais des réserves à cet égard, ont été contredits à cette audience par les témoignages de MM. Gribelin et Henry ; — mais, enfin, il n’est pas possible que M. Ravary ait accepté des témoignages sans demander aux témoins des dépositions complètes ; il n’est pas possible qu’il ait été question d’une chose aussi grave qu’un dossier secret, dans une audience du Conseil de guerre, dans un rapport lu au Conseil de guerre, sans qu’aujourd’hui on sache ce qu’il en est.

Je ne demande pas à M. le commandant Ravary de dire ce qu’était le dossier secret ; mais ce que je lui demande, et, sur ce terrain, ma demande restera entière, c’est de dire à quel fait se référait ce dossier. Si le témoin ne peut répondre, j’en conclurai, — et j’en tirerai un parti singulier au point de vue de ma discussion, — que les instructions judiciaires devant le Conseil de guerre sont faites comme nous ne les avons jamais vu faire dans les procès où nous avons l’habitude de plaider.

M. le commandant Ravary. — Je proteste absolument contre les allégations de Me Labori : toutes nos instructions sont faites avec la plus grande honnêteté et la plus grande conscience. Quant à la pièce, dont parle Me Labori, elle ne m’intéressait pas. Voici pourquoi : j’avais un accusé devant moi, c’était le commandant Esterhazy ; je devais chercher à faire la preuve, soit de son innocence, soit de sa culpabilité ; et cette pièce