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des faux véritables, et il avait demande qu'on ouvrit une instruction particulière pour vérifier quel en était l’auteur.

M. Le Président. — Monsieur Trarieux, combien de temps doit durer encore votre déposition ?

M. Trarieux. — Un quart d’heure environ.

Me Clémenceau. — Si la Cour désire renvoyer à demain, la défense ne s'y opposera pas.

M. Le Président. — Monsieur Trarieux veuillez continuer.

M. Trarieux. — Donc, disais-je, le lieutenant-colonel Picquart désirait qu’on recherchât l’auteur ou les auteurs de ces écrits dolosifs, et il avait insisté pour qu’une instruction spéciale portât sur ce point. Il pensait que, si l'on parvenait à découvrir la main du coupable, il en pouvait résulter sur l'ensemble de l’affaire un trait de lumière définitif.

Mais on ne voulut rien entendre, pas plus M. le général de Pellieux, que, plus tard, M. le rapporteur devant le Conseil de guerre, le commandant Ravary.

Après cet exposé M. Leblois me fit l’honneur de me demander si je croyais possible qu’on arrivât devant le Conseil de guerre dans l’ignorance d’une situation aussi grave ?

Je réfléchis je trouvai, avec lui, les faits d’une extrême gravité et comme lui je pensai qu’il était absolument indispensable, pour que la procédure de l’affaire Esterhazy fut complète qu’ils fussent l’objet d’éclaircissements complets.

Alors j'acceptais la mission d’en parler au gouvernement, sous ces deux conditions : la première, c’est que M. Leblois s’engageât vis-à-vis de moi à ne pas livrer à l'extérieur des faits qui devaient rester entre nous jusqu’à ce que le ministère eût pu arrêter la décision qu’il avait à prendre. Il m'apparaissait en effet, qu’un nouveau scandale pouvait se produire et qu'il était souhaitable que le gouvernement lui-même put en limiter autant que possible les conséquences. Comme seconde condition, je demandai que M. Leblois me donnât communication des lettres de M. le général Gonse et m'en remit une copie non pas pour les livrer à une vaine publicité, mais comme sauvegarde des responsabilités que j’allais prendre en engageant les négociations dans lesquelles j’allais être un intermédiaire.

Ces conditions acceptées et remplies, je m'occupai de l'accomplissement de mon mandat. J’allai le 18 décembre dernier chez M. le Ministre de la justice : je lui exposai les faits. Ils frappèrent son attention et il me promit d’en entretenir M. le Président du Conseil.

Quelques jours après, le 23 décembre, il eut l’obligeance de m’avertir que M. le Président du Conseil en avait entretenu lui-même M. le Ministre de la guerre, qui lui avait promis de se faire apporter le texte des dépêches et de les comparer avec l'écriture d’un officier qui avait semblé suspect a M. le lieutenant-colonel Picquart et que celui-ci croyait pouvoir être l’auteur de l'une des dépêches, signée Blanche.

Puis il me dit que le Ministre de la guerre avait pris l’enga-