Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/189

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour demander au public de faire un peu de silence pendant la déposition de M. Trarieux. Je serais très désireux que MM. les jurés puissent le bien entendre.

M. Le Président — Il se produit bien un peu de bruit, mais nous entendons très bien.

Me Labori. — Mais moi, Monsieur le Président, je n'entends pas M. Trarieux, et sa déposition m’intéresse vivement.

(M. le Président invite l’auditoire à faire silence.)

M. Trarieux. _ On faisait jouer au demi-dieu, dans ce passage, un rôle singulièrement louche ; on disait « qu'il attendait des instructions pour agir. » Quelles instructions ? Pourquoi agir ? Evidemment pour faire aboutir l’œuvre interrompue par le malencontreux départ du lieutenant-colonel Picquart.

Les troisième et quatrième documents étaient deux dépêches télégraphiques qui avaient été mises à la poste le 10 novembre 1897 un an plus tard à la veille du jour ou M. le lieutenant-colonel Picquart était rappelé de Tunisie pour comparaitre devant le général de Pellieux : deux dépêches dont 1'une était signée du nom de Speranza, et la seconde du nom de Blanche.

La première disait à peu près textuellement ceci . « Tout est découvert, votre œuvre est compromise, affaire grave ».

Quant à la seconde elle était ainsi conçue : On sait que Georges est l'auteur du petit bleu; il faut prendre des précautions, ou quelque chose d'analogue.

Le petit bleu est une des pièces initiales de la procédure qui avait été ouverte contre le commandant Esterhazy. c'était dire, en propres termes au lieutenant-colonel Picquart « On sait que vous êtes un faussaire, que vous avez fabriqué les pièces que vous introduisiez dans la procédure contre le commandant Esterhazy » !

Voilà Les quatre documents sur lesquels le lieutenant colonel Picquart fut appelé à fournir des explications au général de Pellieux, dès qu’il se rencontra avec cet honorable officier supérieur chargé de l’instruction.

Je le répète, Messieurs, ces témoignages étaient accablants pour lui et l’auraient perdu s’il n’avait été en mesure de donner des justifications immédiates.

Tout d’abord, les deux dépêches du 10 novembre 1897, signées Speranza et Blanche, il les connaissait ; on les lui avait expédiées à Sousse, et, dès qu’il les avait reçues, il avait eu soin de les renvoyer à M. le Ministre de la guerre, son supérieur et son protecteur naturel contre les machinations qu'il flairait, sollicitant à leur sujet une information sérieuse.

Il les connaissait donc, et put faire observer à M. le général de Pellieux combien il était inadmissible qu'un de ses amis eût été assez fou pour lui expédier, après, son départ du ministère, quand toutes ses connaissances savaient qu'il n était plus là, pour lui expédier d’abord, le 20 novembre la lettre dont on avait pris copie, pour lui expédier surtout, le 15 octobre 1896 cette lettre Speranza, si compromettante pour lui, dans laquelle on