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douze citoyens qui sont ici doivent se demander à chaque fois pourquoi ; car enfin, lorsqu’une nation est livrée à une angoisse comme celle qui étreint le pays en ce moment, si la lumière était si facile à faire, si elle pouvait être si éclatante, ceux qui l’ont dans les mains et qui ne la montrent pas, seraient bien coupables ; mais enfin, sur les points où la lumière est possible, on ne s’explique pas vraiment pourquoi nous sommes entravés par les obstacles, par les mauvaises volontés.

Ouoi qu’il advienne, Messieurs les jurés, nous irons jusqu’au bout de notre tâche, mais nous ne voulons, sur aucun point, nous dispenser d’obtenir tous les renseignements, tous les éléments de clarté que nous pouvons avoir.

Je vais donc suivre le conseil de M. l’Avocat général, je vais m'adresser à M. le Président de la Cour d’assises pour lui demander d’user de son pouvoir discrétionnaire pour obtenir les documents en question.

M. le Président. — Prenez des conclusions.

Me Labori. — Monsieur le Président ne croyant pas devoir nous accorder cette faveur, je vais prendre des conclusions, et je vais d’un coup vider l’incident, tout au moins au point de vue du droit, en ce qui concerne la production de diverses pièces qui doivent nous préoccuper.

Je ne demande pas, à l’heure qu’il est, toutes les pièces dont nous avons besoin et à l’égard desquelles nous avons déjà fait une demande, mais il y a des chances pour que la solution qui interviendra soit la même dans un certain nombre de cas.

Me Clémenceau. — Monsieur le Président, je voudrais répondre un mot à M. l’Avocat général, qui nous a conseillé de nous adresser à vous. Sa réponse peut être pertinente en ce qui concerne Me Labori, elle ne peut pas être pertinente en ce qui me concerne. Je maintiens ce que j’ai dit : j’ai indiqué qu’il y avait à cette barre un faux témoin, et j’ai dit à MM. les jurés : Vous avez à la barre deux témoins : l’un dit la verité. l'autre ment. L’un d’eux a commis un délit. M. l’Avocat général a le moyen de vous prouver quel est le vrai et quel est le faux témoin. Nous demandons la production de pièces qui établiront ce fait très important, parce qu’il est très intéressant pour vous, lorsqu’une discussion s’élève entre deux témoins, de savoir quel est le vrai et quel est le faux témoin.

Je n’ai de sommation à faire à personne ; mais retenez, messieurs les jurés, que si l’on ne vous fait pas connaître quel est celui de ces hommes qui a menti, il sera établi qu'on n’a pas voulu vous le dire et vous en tirerez la conclusion que vous savez.

M. le Président. — Vous signerez les conclusions de Me Labori ?

Me Clémenceau. — Oui, parce que je m’associe à tout ce qu'a dit mon confrère Labori, mais veuillez ne pas confondre complètement ma situation avec la sienne. J’ai dit ceci a MM. les jurés, et je le maintiens : il y a un moyen de savoir quel est