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M. Gribelin. — Je n’ai jamais dit autre chose que ce que je viens de dire, à savoir que les faits s’étaient passés du 15 octobre au 15 novembre.

M. Leblois. — Je demande à la Cour d’ordonner le dépôt des déclarations du témoin.

Me Labori. — N’y a-t-il pas eu un autre fait relatif à la présence de M. Leblois au ministère, sur lequel on n’a pas insisté, à cause précisément d’une contradiction formelle des parties ? (Se tournant vers M. Leblois.) Est-ce qu’un jour, monsieur Leblois, il n’a pas été question de votre présence à raison d’un autre fait qui a été démenti à cause de la date ?

M. Leblois. — C’est un peu vague.

Me Labori. — Est-ce le fait dont il s’agit ?

M. Leblois. — Deux déclarations ont été faites, l’une par M. Gribelin, l’autre par le commandant Henry ; elles se sont trouvées toutes les deux inexactes, d’une inexactitude matérielle et absolue, puisque je n’étais pas à Paris au moment où se plaçaient ces faits. Alors, Messieurs, on a changé les dates ; je fais le jury et la Cour juges de ce procédé.

Me Labori. — Je demande que ces pièces soient déposées.

M. le Président. — Où sont-elles, ces pièces ?

M. Leblois. — Je crois que la Cour les trouvera dans les dossiers du Conseil d’enquête, dernière autorité appelée à statuer.

M. le Président. — Ah ! nous ne pouvons pas demander les pièces du Conseil d’enquête.

Me Labori. — Voulez-vous me permettre, monsieur le Président, de bien poser la question pour MM. les jurés : car c’est pour eux que je plaiderai et il faudra qu’ils aient bien compris les divers incidents sur lesquels je vais m’appuyer au cours de ma plaidoirie.

La partie plaignante aux débats, messieurs les jurés, c’est M. le Ministre de la guerre, chef de l’armée française. M. le Ministre de la guerre aurait pu être assis à cette table et y être partie civile ; il ne l’a pas voulu, et c’est M. le Procureur général qui, saisi d’une plainte, n’ayant pas le droit d’agir d’office sans être saisi de ladite plainte, est ici le représentant officiel et légal de M. le Ministre de la guerre : il l’est tellement, qu’il ne lui est pas permis d’étendre ou de restreindre le débat, et que, comme nous l’avons déjà dit plusieurs fois, il a les mains liées par la plainte du Ministre.

Or, tous les documents dont il s’agit sont entre les mains de M. le Ministre de la guerre.

Messieurs les jurés, en matière de presse, les parties qui ont diffamé ont le droit, dans un délai de cinq jours qui suit celui où elles reçoivent l’assignation, de notifier, par un acte d’huissier, qu’elles entendent faire la preuve, par telle ou telle pièce, des faits qu’elles ont allégués. Toutes les pièces qui étaient entre nos mains, nous en avons fait la notification à M. le Procureur général ; mais vous comprenez que, dans ce débat, nous savions fort bien qu’il y aurait un nombre considérable de piè-