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DÉPOSITION DE M. LE GÉNÉRAL GONSE
(Suite.)

M. le général Gonse. — J’aurais à présenter certaines observations, si la Cour me le permet.

M. le Président. — Parfaitement.

M. le général Gonse. — Si j’ai bonne mémoire, un journal a publié des lettres que j’ai écrites au colonel Picquart. Je crois qu’un témoin en a parlé hier en disant, autant que je puis me le rappeler, que j’avais varié dans ma manière de voir et dans ma manière de faire. Je proteste contre cette interprétation. Lorsque j’écrivais au colonel Picquart, c’était à la suite d’une conversation que nous avions eue ensemble. Il était venu me trouver à la campagne et m’avait signalé le commandant Esterhazy. Il m’avait dit que le commandant Esterhazy se livrait à des manœuvres plus ou moins équivoques, et enfin il m’indiquait qu’il était sur la trace d’un traître.

Je lui dis qu’il fallait chercher. Bien entendu, je ne voulais pas éviter la lumière, je voulais, au contraire, faire cette lumière la plus large et la plus grande possible, et je lui indiquai la marche à suivre. Il me disait, notamment, que le commandant Esterhazv allant sur les champs de tir au milieu des officiers d’artillerie, leur avait demandé des renseignements confidentiels et secrets, et qu’il leur avait fait des questions indiscrètes au point de vue de la défense nationale. Le colonel Picquart me dit, en outre, que, rentré à son régiment, il avait fait copier par des sous-officiers et des secrétaires des documents confidentiels : il parlait aussi d’écriture, nous n’en parlerons pas, c’est un fait connu. Je lui ai dit alors : « Il faut distinguer les deux affaires, d’une part celle du capitaine Dreyfus et de l’autre celle du commandant Esterhazy, et ne s’occuper que de 1 affaire Esterhazy », et je lui dis que s’il était sûr d’avoir un traître sous la main, il fallait le poursuivre et arriver à la découverte de la vérité. Je ne lui disais pas autre chose ; et que par conséquent il fallait rechercher des témoins, c’est-à-dire les officiers d artillerie et les secrétaires auxquels avaient pu être demandées des copies compromettantes, et enfin arriver à faire la lumière de ce côté.

Encore une fois, les lettres ne disaient pas autre chose ; elles n’étaient que la confirmation des paroles que nous avions échangées ensemble et je lui disais toujours : « Il faut faire la lumière dans ce sens là et ne pas dévier de la ligne que je vous ai indiquée pour arriver à la manifestation de la vérité. » Par conséquent, mes lettres avaient un seul but, — je ne les réciterai pas puisqu’un journal en a parlé ce matin — elles n’avaient qu’un but, rechercher si le commandant Esterhazy était réellement coupable. J’écrivais au colonel Picquart d’éviter