Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/147

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Je veux préciser, je ne veux pas qu’il y ait de surprise. Hier, j’ai voulu m’adressera MM. les jurés, vous m’avez dit que je ne devais pas le faire. Mon observation s’adressera à MM. les jurés ; je demande à présenter cette observation, qui visera le témoignage de M. le chef d’Etat-major général.

M. le Président. — En deux mots, alors.

Me Clémenceau. — Permettez-moi de Vous dire que, si vous admettez le principe, je ne perdrai pas de temps.

Eh bien ! Messieurs les jurés, puisque j’ai le pouvoir de m’adresser à vous aujourd’hui, je vais vous faire l’observation suivante en présence du témoin, parce que, si j’ai mal compris, il pourra me rectifier.

Il résulte de la déposition du témoin que le document libérateur est un document secret qui était au ministère de la guerre ; il a été volé au ministère de la guerre par on ne sait qui, et remis à une femme voilée. Cette femme voilée a promené ce document dans Paris et un soir l’a remis à M. le commandant Esterhazy. M. le commandant Esterhazy a repris cette pièce secrète et l’a remise à M. le chef d’Etat-major général, et l’importance de cette pièce est telle que M. le chef d’Etat-major vous dit : « Je considère qu’en l’espèce mon secret professionnel se confond avec le secret d’Etat. » Et alors voilà mon observation : c’est que, Messieurs les jurés, au ministère de la guerre les secrets d’Etat sont mal gardés, Voilà simplement ce que je voulais dire à Messieurs les jurés. (Mouvements divers.)

M. le Président, à M. le général de Boisdeffre. — Vous entendez ce que dit Me Clémenceau ?

M. le général de Boisdeffre. — Oui, monsieur le Président.

M. le Président. — Avez-vous des observations à présenter ?

M. le général de Boisdeffre. — Si vous croyez que j aie un mot à dire, je demanderai la permission de dire publiquement que mes officiers d’état-major, dont plusieurs ont été attaqués si violemment, sont de braves gens qui font leur devoir. Ils ont subi sans répondre, sans dire un mot, les attaques imméritées dont ils étaient l’objet ; et je puis, je le jure, attester publiquement que ce sont de braves gens qui font leur devoir, tout leur devoir, et qui n’ont qu’un souci : c’est celui de l’intérêt du pays (Applaudissements.)

Me Albert Clémenceau. — J’ai à répondre, et je pense que ceux qui ont applaudi conviendront que je n’ai jamais attaqué et n’ai jamais voulu attaquer les officiers d’ordonnance du Ministre de la Guerre. Ils sont très honnêtes et je suis persuadé qu’ils ne prennent pas de documents. Ce que j’ai voulu retenir, c’est un fait et, contre un fait, il n’y a pas de discussion possible. Je voulais que MM. les jurés retinssent qu’un document secret a pu être extrait du ministère de la Guerre et promené par le commandant Esterhazy et par une dame voilée ; rien de plus, rien de moins. Je n’attaque personne. (Applaudissements.)