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il est obligé de garder le silence et ceux sur lesquels il ne doit pas le garder. Quoi qu’il en soit, M. le général de Boisdeffre ne pourra pas contester que le bordereau a été en cause, puisque cette question du bordereau a été discutée dans la presse pendant quinze jours. Je le prierais de nous faire savoir, puisque j’ai bien compris que ce qui obsédait l’esprit du colonel Picquart c’était la question de l’innocence de Dreyfus, quels ont été les agissements de M. le colonel Picquart relativement à l’affaire Esterhazy ?

M. le général de Boisdeffre. — Les agissements ont été très simples : le colonel Picquart a signalé les doutes qu’il avait sur la situation du commandant Esterhazy ; nous lui avons prescrit de faire tout au monde pour faire la lumière et prouver le doute qui le préoccupait à ce moment ; il n’a pu trouver aucune pièce probante pour nous de ses doutes, et, dans uue affaire de ce genre, nous ne pouvions que l’inviter à s’abstenir et à ne pas continuer.

Me Labori. — Je retiens, — et ceci a une importance considérable — je désire que ce soit précisé devant MM. les jurés — qu’au moment où M. le général de Boisdeffre, chef de l’état-rnajor général de l’armée, a appris que M. le colonel Picquart était obsédé de cette affaire qu’il ne veut pas nommer, il l’a invité à confirmer ses doutes. Il en résulte donc, qu’à ce moment-là, l’impossibilité pour le commandant Esterhazy d’être l’auteur du crime pour lequel Dreyfus avait été condamné n’apparaissait pas à M. le général de Boisdeffre ?

M. le général de Boisdeffre. Je crois que mes paroles ont été mal interprétées par Me Labori. La culpabilité du capitaine Dreyfus a été de tout temps pour moi absolument certaine et ma conviction est absolue à cet égard. (Bruits.) Je n’en dis pas plus pour tâcher de toucher le moins possible à cette chose. Par conséquent, quand on me signalait un autre officier, capable d’un crime pareil, je devais prescrire des recherches sur cet officier. C’est là-dessus que portaient mes doutes, c’était la question de la culpabilité du commandant Esterhazy et non pas du tout la question de la culpabilité du capitaine Dreyfus.

Me Labori. J'ai, Monsieur le Président, à tirer de la réponse de M. le général de Boisdeffre une conclusion.

M. le Président. — Vous direz cela dans votre plaidoirie.

Me Labori. — J’ai encore des questions à poser.

M. le Président. — Nous n’en finirons jamais.

Me Labori. — Cela m’est égal.

M. le Président. — Permettez ; c’est au Président à diriger les débats ; je vous fais remarquer une fois de plus que vous plaidez ; si vous continuez, je vous retirerai la parole.

Me Labori. — Quand je dis que cela m’est égal, je veux dire que nous sommes ici pour faire la lumière...

M. le Président. — Vous la ferez dans votre plaidoierie.

Me Labori. — ... et qu’on nous empêche sur tous les points de la faire.