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M. le général de Boisdeffre. — Le colonel Picquart a été envoyé en mission sur un ordre du Ministre.

Me Labori. — Qui est également secret, évidemment ?

M. le général de Boisdeffre. — L’objet de la mission était secret.

Me Labori. — Parfaitement. Le colonel Picquart était alors envoyé en disgrâce ?

M. le général de Boisdeffre. — Je ne peux pas appeler envoyé en disgrâce un officier envoyé en mission.

Me Labori. — Voyons, il faudrait qu’ici, — car il n’y a rien de secret et toutes les paroles qui sortent de la bouche de M. le général ne visent pas nécessairement la défense nationale, — il faudrait que M. le général de Boisdeffre veuille bien nous dire si M. le colonel Picquart a été envoyé ou non en disgrâce. Je tiens absolument à savoir s’il a été envoyé en disgrâce ou non, ou si M. le général de Boisdeffre ne peut pas répondre.

M. le général de Boisdeffre. — Le colonel Picquart était dans un état d’esprit qui ne lui permettait pas de s’occuper d’une façon aussi satisfaisante qu’il le fallait de son service ; il était absorbé par une seule idée ; le ministre a pensé qu’il était intéressant de lui donner une mission extérieure qui lui permit de rentrer dans des conditions d’esprit normales.

Me Labori. — M. le général de Boisdeffre voudrait-il nous dire qu’elle était l’idée qui hantait ou obsédait l’esprit de M. le colonel Picquart ?

M. le Président. — Pouvez-vous répondre à cette question ?

M. le général de Boisdeffre. — Je ne crois pas pouvoir répondre à cette question parce que je ne dois pas répondre dans l’affaire... (Rires.)

M. le Président. — Ces rires sont absolument inconvenants.

Me Labori. — M. le général de Boisdeffre voudrait-il nous dire l’affaire dont il parle ?

M. le général de Boisdeffre. — L’affaire Dreyfus.

Me Labori. — M. le général de Boisdeffre voudrait-il nous dire pourquoi il ne veut pas entrer dans l’affaire Dreyfus ?

M. le général de Boisdeffre. — Parce qu’un arrêt de la Cour, indiqué par M. le Président et que j’ai lu dans la presse, indique la connexité des deux affaires.

Me Labori. — Pardon ; M. le général de Boisdeffre ne sait-il pas que M. le commandant Esterhazy a été poursuivi et interrogé sur le bordereau qui a été attribué en 1894 au capitaine Dreyfus ?

M. le général de Boisdeffre. — Le commandant Esterhazy a été interrogé à huis clos ; par conséquent, je n’ai pas à connaître ce qui s’est passé à huis clos.

Me Labori. — Je crois que M. le général de Boisdeffre se trompe, car j’ai assisté à une partie des débats qui était publique et où cette question a été examinée ; j’imagine que M. le général de Boisdeffre, qui a beaucoup de secrets à garder, fait une confusion entre les faits sur lesquels