Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/140

Cette page n’a pas encore été corrigée

douze jurés qui sont la personnification de la France et à qui tout le monde doit des explications.

M. le général de Boisdeffre est ici devant la justice ; il ne peut invoquer aucun secret pour se dérober à la nécessité de répondre aux questions qui lui sont posées par M. le Président ; je suis convaincu qu’il aura compris mes paroles. Sous le bénéfice de ce que j’ai dit, j’ai l’honneur de prier Monsieur le Président de lui poser à nouveau la question.

M. le général de Boisdeffre. — Je répondrai à ce que vient de dire Me Labori que j’ai le plus profond respect pour la justice de mon pays et que je suis très heureux de l’affirmer hautement devant MM. les jurés et devant la Cour. Je ne sais peut-être pas faire des distinctions aussi juridiques que celles qui sont faites devant moi ; mais j’estime, moi, que le secret d’Etat à divulguer est le secret professionnel. Voilà la réponse que j’ai à faire.

M. le Président, à Me Labori. — Vous entendez la réponse.

Me Labori. — Messieurs...

M. le Président. — Voyons, je vous en prie, il ne faut pas plaider maintenant, vous plaidez continuellement.

Me Labori. — C’est parce que je crois que c’est utile.

M. le Président. — Non, ce n’est pas utile.

Me Labori. — Vous n’en êtes pas juge.

M. le Président. — Je vous demande pardon. Dans ce moment-ci, vous soulevez une question de droit, Si vous n’êtes pas de cet avis, déposez des conclusions, la Cour y répondra.

Me Labori. — Nous sommes en présence d’une affaire trop grosse, dans laquelle les responsabilités de tout le monde sont trop grandes, pour que je sois obligé de m’incliner devant des raisons de convenance et de respect.

M. le Président. — Eh bien ! déposez des conclusions.

Me Labori. — Permettez ; laissez-moi me défendre. J’ai des questions à poser.

M. le Président. — Posez des questions.

Me Labori. — Sur ce point, je fais des réserves.

M. le Président. — Maintenant, passons à un autre ordre d’idées.

Me Labori. — Je passe non pas à un autre ordre d'idées, mais à un autre ordre de questions.

Il ne peut pas s’agir d’un document secret, puisque ce document a été entre les mains d’une dame voilée dont M. le général de Boisdeffre a dû entendre parler, et que cette dame l’a remis à M. le commandant Esterhazy. M. le général de Roisdeffire peut-il nous dire tout au moins s’il sait quelque chose sur la personnalité de cette dame voilée ?

M. le général de Boisdeffre. — j’ai à affirmer que je ne sais absolument rien sur la personnalité de la dame voilée et sur la dame voilée, et que je n’en ai entendu parler que par les journaux.

Me Labori. — Parfaitement, monsieur le général : mais ce