Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/129

Cette page n’a pas encore été corrigée

Quant à nous, nous sommes juges souverains aussi en ce qui concerne le point de savoir les questions que nous voulons poser, et la question de bonne foi pour nous ne comporte ni restriction ni divisibilité.

Un homme qui accomplit un acte, accomplit un acte qui représente un ensemble ; il l’accomplit de bonne ou de mauvaise foi et il n’y a pas à savoir si c’est sur tel point de détail ou sur tel autre qu’il est de bonne foi.

Je ne sais pas ce que répondra Mme Dreyfus.

Je demande que Mme Dreyfus soit interrogée d'une manière générale sur la bonne foi de M. Zola relativement a la lettre qu’il a écrite.

M. le Président. — Il ne s’agit pas, par des voies detournées, de mêler les deux affaires ensemble.

Je veux bien interroger Mme Dreyfus en ce qui concerne la bonne foi pour l’affaire Esterhazy, pour le Conseil de guerre qui a jugé l’affaire Esterhazy, mais pas pour le Conseil de guerre qui a jugé Dreyfus. Il ne s’agit pas de faire confusion et d’arriver à faire, par des moyens détournés, ce que l'arrêt de la Cour a défendu.

Me Labori. — Permettez-moi, monsieur le Président, de dire que nous avons ici chacun un terrain à défendre, et nous ayons les uns pour les autres des devoirs de considération respective. Je n’admettrai pas que l’on dise que je fais ici quoi que ce soit pour arriver à mon but par des voies détournées. Je n'ai ni la figure, ni l’attitude, ni la parole d’un homme qui fait des choses par des voies détournées, et s’il y a des voies détournées employées ici, j’en laisse toute la responsabilité, je ne dis pas à M. le Procureur général, mais à M. le Ministre de la guerre, partie plaignante.

M le Président. — M. le Ministre de la guerre n'a visé que certains points dans l’assignation, c’est son droit. Et la Cour est obligée de se restreindre dans les termes de la plainte et de la citation : par conséquent, j’interrogerai Mme Dreyfus sur la bonne foi de M. Zola en ce qui concerne l’affaire Esterhazy.

Me Labori. — Eh bien ! j’insiste pour que la question soit posée dans les termes que j’ai indiqués, et si la Cour s'y refuse, je déposerai des conclusions sur ce point.

M. le Président. — Je n’interrogerai pas Mme Dreyfus en ce qui concerne le premier Conseil de guerre qui a juge l'affaire Dreyfus ; je l’interrogerai sur le second Conseil de guerre qui a jugé l’affaire Esterhazy.

Par conséquent, je vous le répète, aux termes de la loi, aux termes de l’arrêt que vous avez entendu avant-hier, je ne mêlerai pas les deux affaires ensemble.

Vous déposerez des conclusions s’il vous semble bon de le faire ; mais je vous préviens que ce sera comme cela pendant tout le temps des débats.

Me Labori. — Je le regrette, et pour vous, et pour moi-même, mais je déposerai mes conclusions.