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substituer à M. Alfred Dreyfus pour la confection du bordereau, puisque je sais que vous êtes convaincu qu’il n’est pas d’Alfred Dreyfus, d’après vos examens d’écritures. »

Et comme je refusais de lui donner un nom, il me dit :

— « Mais si je vous l’indique, moi, et si ce nom a passé sous vos yeux dans vos recherches, me le direz-vous ? »

Je répondis :

— « Dans ce cas, je me regarderai comme délié et je dirai : Oui. »

C’est alors que M. Mathieu Dreyfus me cita le nom du commandant Esterhazy, et que je lui dis : « Dans les conditions où vous vous trouvez, votre devoir est de l’indiquer immédiatement au ministère de la guerre. »

Car à ce moment, grâce aux journaux, on avait exposé aux soupçons un certain nombre d’officiers supérieurs, et j’étais très heureux, que, dans les conditions où ce fait se produisait, ces officiers supérieurs fussent mis hors du débat.

C’est ainsi que M. Mathieu Dreyfus a signalé à M. le Ministre de la guerre le commandant Esterhazy comme étant l’auteur du bordereau.

J’ai fini.

M. le Président. — Voilà la réponse. Maître Labori, avez-vous d’autres questions ?

M. Zola. — Monsieur le Président, je voudrais insister auprès de M. Scheurer-Kestner en le priant de nous donner plus de détails sur son entrevue avec M. le général Billot, ceci afin de relever une chose à laquelle je tiens beaucoup.

Vous savez, monsieur le Président, qu’on nous accuse et qu’on m’accuse personnellement d’avoir été la cause de la crise épouvantable qui divise le pays : on dit que c’est nous qui avons produit ce grand trouble qui gêne les affaires et passionne les cœurs ; eh bien ! je voudrais qu’il soit bien établi que M. le général Billot a été averti par M. Scheurer-Kestner des faits qui allaient se passer. Je voudrais que M. Scheurer-Kestner dise qu’il est le vieil ami de M. le général Billot, qu’il le tutoie, qu’il a pleuré presque dans ses bras, qu’il l’a supplié, au nom de la France, de prendre l’affaire en mains ! Je voudrais qu’il dise cela !

M. le Président. — Vous entendez la question, qu’est-ce que vous avez à répondre ?

M. Scheurer-Kestner. — Le lendemain de ma visite au général Billot, je trouvais dans les journaux les passages que je citais tout à l’heure.

Je trouvais dans certains journaux l’histoire de ma visite au général Billot, avec des détails à moitié exacts, à moitié faux, comme on a l’habitude de le faire.

M. le Président. — Vous venez de le dire tout à l’heure.

M. Scheurer-Kestner. — Gomment ?

M. le Président. — Vous venez de le dire.