Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/110

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témoins par lesquels il entend faire sa preuve. — Cette signification contiendra élection de domicile près la Cour d’assises, le tout à peine d’être déchu du droit de faire la preuve. »

C’est bien clair.

Me Clémenceau. — Voulez-vous me permettre un mot en fait ? La loi nous oblige à signifier ces pièces ; c’est entendu. Pourquoi ne les avons-nous pas signifiées ? Il est bon que MM. les jurés le sachent. Nous ne les avons pas signifiées, messieurs les jurés et messieurs de la Cour, parce que ces lettres ont déjà été produites à une audience, à l’audience du Conseil de guerre et qu’elles l’ont été dans les conditions suivantes :

On a demandé à M. le colonel Picquart : « Avez-vous les lettres du général Gonse ? » Le colonel Picquart a répondu : «Elles sont dans ma poche. » M. le Président du Conseil de guerre a dit : « Voulez- vous me les donner ? » Le colonel Picquart a remis les lettres. Alors M. le Président du Conseil de guerre a dit : « Ces lettres seront saisies et jointes au dossier. » Le Président du Conseil de guerre n’en a pas donné lecture !

En sorte que, pour nous conformer à la loi, nous devions signifier des lettres qui ont été en quelque sorte confisquées par un Président du Conseil de guerre, lettres que nous ne pouvions avoir à notre disposition, que seul M. l’Avocat général eût pu produire à cette audience.

Dans cette situation de fait que MM. les jurés apprécieront, dans ces circonstances, pour nous rapprocher autant que possible de la loi, nous avons notifié à M. le Procureur général que nous ne pouvions pas lui donner copie de ces lettres, que nous désirions qu’il en fût parlé devant vous et que nous le priions d’ordonner qu’elles fussent produites à votre barre.

Si ces lettres ne sont pas produites, cela vient de ce qu’elles ont été saisies par M. le Président du Conseil de guerre : et si ces lettres ont un certain intérêt, MM. les jurés retiendront que c’est parce qu’elles ont été saisies par le Président du Conseil de guerre, sans avoir été lues, que nous ne pouvons les produire.

M. le Président. — Nous n’avons pas à nous occuper de ce qui s’est passé devant une juridiction qui n’est pas la nôtre. La question est de savoir si des pièces n’ont pas été signifiées dans les délais au Ministère public. Or, ces pièces n’ont pas été signifiées dans les délais, nous sommes obligés de nous conformer à la loi.

Me Clémenceau. — Mais moi, je constate en fait que si nous ne pouvons pas produire ces pièces, la faute en est au Président du Conseil de guerre... Il faut bien cependant parler un peu à MM. les jurés.

M. le Président. — C’est à la Cour que vous devez parler, il s’agit d’une question de droit.

Me Clémenceau. — Si vous trouvez que je n’ai pas le droit de parler à MM. les jurés, je m’arrête, et je n’ai rien à dire.