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terme à ces machinations. Le général Davoust a fait venir le colonel du Paty de Clam et, à la suite de cette intervention, les lettres anonymes ont complètement cessé. Mais il restait entre les mains du commandant du Paty de Clam une lettre et le comte de Comminges insista pour obtenir la restitution de cette lettre. Le général Davoust joignit ses efforts aux siens, si je suis bien renseigné. Mais, quoiqu’il en soit, le commandant du Paty de Clam restitua la lettre dans les conditions suivantes : il dit que cette lettre était tombée aux mains d’une femme, que cette femme entendait la garder jusqu’au versement d’une somme de 500 francs et, en conséquence, il convoqua certaines personnes de la famille au bord de la Seine, près du Jardin de Paris, à dix heures du soir. On vit arriver une femme abritée sous un parapluie ; le commandant du Paty de Clam se dirigea vers elle, eut quelques instants d’entretien avec elle, et revint en disant : « Je viens de remettre à cette femme une enveloppe contenant un billet de 500 francs ; en échange, elle m’a remis, dans une autre enveloppe, la lettre que vous désirez ; cette lettre, la voici. » On ouvrit l’enveloppe, et on y trouva en effet la lettre. Il est évident qu’il y a là quelque chose de très étrange ; il est évident qu’il y a là quelque chose d’inutile, pour ne rien dire de plus.

M. le Président. — Mais quel rapport tout cela a-t-il avec la prévention ?

Me Labori. — Je suis tout prêt à l’expliquer tout de suite ; nous prétendons que, loin que la dame voilée sorte du milieu des relations ou du voisinage du colonel Picquart, elle sort du milieu des relations de certaines personnes attachées au ministère de la guerre, et nous prétendons que ceux qui ont aidé M. le commandant Esterhazy dans la campagne au milieu de laquelle on l’a vu se défendre et sur laquelle nous nous expliquerons, pourraient bien être plus en relations avec certains officiers du ministère de la guerre, qu’avec d’autres. Voilà la portée du témoignage.

M. le Président (s’adressant au témoin). — A quelle époque a été demandée et restituée la lettre dont vous avez parlé tout à l'heure ?

M. Leblois. — Tout cela se passait au printemps de 1892 et, si je ne me trompe, la restitution de cette lettre a eu lieu le vendredi saint de l’année 1892.

Me Clémenceau. — Si la Cour le désire, je puis lui expliquer l’intérêt de la déposition du témoin.

M. le Président. — Me Labori vient de nous le dire.

Me Clémenceau. — Du moment que la Cour a compris, je n’insiste pas, mais il avait semblé que la date de 1892 lui semblait un peu extraordinaire.

Me Labori. — C’est la première apparition de la dame voilée en 1892 !

M. le Président. — Avez-vous encore d’autres questions à poser ?

Me Labori. — Non, monsieur le Président.