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grammes que j’ai cités sont les seuls qui lui soient parvenus, mais ils ne sont que le centre d’un réseau très compliqué.

Il est fait allusion à tout cela dans un article de la Libre Parole du 17 novembre 1897.

Me Labori. — M. Leblois nous a dit que le colonel Picquart était parti le 16 novembre 1896 du ministère. Pourrait-il nous dire quelle était alors l’attitude de ses chefs, et notamment de M. le général Gonse, à son égard ? Est-ce que le colonel Picquart est parti à ce moment en disgrâce et comment a-t-il été traité jusqu’au moment où il a été rappelé à Paris dans les conditions que MM. les jurés doivent connaître, au moment de l’enquête dirigée publiquement contre M. le commandant Esterhazy ?

M. Leblois. — Les chefs du colonel Picquart lui ont témoigné la plus grande bienveillance au cours de toute l'enquête qu’il a faite sur le commandant Esterhazy, enquête qui avait commencé vers la fin du printemps et qui s’est poursuivie jusqu’au mois de septembre. Ce n’est que lorsque le moment fut venu, suivant le colonel Picquart, de donner à cette affaire une solution, qu’il se produisit une divergence d’opinion entre ses chefs et lui. Ce différend ne prit pas d’abord une forme aiguë, il commença par être simplement un échange de vues contradictoires, comme cela arrive fréquemment dans les cas où il y a des inférieurs et des supérieurs. La solution de cette affaire proposée nettement par une lettre du colonel Picquart en date du 5 septembre 1896, resta en suspens jusqu'au mois de novembre suivant. A ce moment, les choses se gâtèrent sous des influences que je ne connais pas exactement moi-même. Peut-être le gouvernement, saisi de la question, a-t-il décidé qu’il n’y avait pas lieu de revenir sur l’affaire Dreyfus ; je n'en sais rien, je ne puis faire que des hypothèses.

Pour répondre à la question de Me Labori, je dirai ceci : lorsque le colonel Picquart quitta le ministère de la guerre, on ne lui dit pas le moins du monde qu’il était envoyé en disgrâce : au contraire, on parut attacher une grande importance à la mission, un peu vague d’ailleurs, dont on le chargeait. On lui dit : « Vous partirez pour quelques jours, vous irez à Nancy faire certaines choses. »

Une fois arrivé à Nancy, on lui dit : « Allez ailleurs. » On le promena ainsi de jour en jour, de sorte que sa mission recevait charrue iour une nouvelle prolongation, et le colonel, qui avait quitté Paris sans emporter aucun effet de toilette, ayant demandé l'autorisation d’y rentrer pour prendre son linge, on lui répondit que sa mission était trop importante pour qu'on put en distraire même quelques heures, et on l’envoya à Besançon. C'est ainsi que, à son insu, sans se douter du sort qui lui était réservé, il a été promené tout le long de la frontière de l'est et du sud-est puis envoyé en Algérie et en Tunisie, et enfin, en mars 1987 nommé lieutenant-colonel au 4e tirailleurs : on lui représenta cette nomination comme une faveur. Le général Gonse lui dit