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cartulaire de l’abbaye cistercienne de pontigny.

cultures rémunératrices, telle la vigne, cherche à écouler ses produits dans les centres commerciaux que sont les villes ; aussi s’efforce-t-elle d’y acquérir des locaux pour amasser ses marchandises et loger ses moines qui doivent venir pour vendre au marché.

On voit aussi Pontigny se procurer des celliers dans les lieux proches de ses vignobles, ainsi à Auxerre[1], à Lignorelles[2] ou à Loigny, près de Saint-Bris[3].

Cependant l’essentiel de la richesse de Pontigny au xiiie siècle provient des rentes : à elles seules elles représentent les trois quarts des dons pendant cette période. L’abbaye en acheta fort peu, puisque le cartulaire ne nous en offre que deux exemples[4].

Ces rentes sont toutes des rentes constituées. Elles peuvent être en nature et être assises sur toutes sortes de revenus : dîmes, péages, tierces, cens ou coutumes. Les rentes en nature, qui sont le plus souvent en grain et plus rarement en vin, ne représentent qu’un tiers de toutes les donations de rente. Les plus nombreuses sont, en effet, en argent.

Revenus versés annuellement, elles sont payées, en général, en un seul terme le plus fréquent est celui de la Saint-Rémy ou l’octave de cette fête. Mais d’autres termes apparaissent dans les actes la Toussaint ou son octave, mais aussi entre la Toussaint et la Saint-Martin[5], la Saint-Martin même ou sa quinzaine[6], la Saint-Jean-Baptiste[7] ou Noël[8]. Enfin quelques autres exemples isolés donnent d’autres fêtes de saints comme terme du paiement de la rente[9]. Enfin il est à noter que dans un seul acte la rente doit être versée non pas le jour de la fête d’un saint, mais celui de la mort du légataire[10].

On voit donc au xiiie siècle tout un mouvement qui pousse les donateurs à ne plus se démunir de leurs biens fonciers, mais à donner plutôt des revenus en argent ou en nature, ce qui peut s’expliquer par le fait que l’argent circule plus facilement à la campagne qu’au siècle précédent, car les seigneurs ont su se procurer de nouveaux revenus grâce à la perception de nouveaux droits. La conséquence de ces rentrées d’argent pour l’église de Pontigny fut de lui permettre de multiplier ses achats. La vogue que connut la rente vient aussi de ce que ce genre de donation offre une certaine souplesse : le donateur peut, avec l’accord de l’abbaye, assigner la rente sur un autre revenu ou une autre terre — c’est ce que les juristes ont coutume d’appeler un transfert de rente. Bien plus, il a la possibilité, toujours avec l’accord de Pontigny, d’opérer un transfert de rente en même temps qu’une conversion : Milon de Saint-Florentin, par exemple, convertit la rente de trois muids de vin qu’il avait précédemment donnée aux moines de Pontigny, en une nouvelle d’un demi-

  1. nos 312, 314.
  2. N° 273.
  3. nos 175, 176.
  4. nos 175, 178.
  5. Ex. : n° 260.
  6. nos 237, 372.
  7. nos 158, 310.
  8. nos 161, 191, 239, 275.
  9. Pâques, n° 271 ; Purification de la Sainte Vierge, n° 250 ; octave de la Saint Denis, n° 160 ; Saint André, n° 209.
  10. N° 172.