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introduction.

Les autres granges mentionnées — et qui viendraient transgresser la Règle — ont disparu ou bien ne semblent pas avoir été de véritables unités d’exploitation suffisamment importantes. Avaranda qui est donné comme grange dans l’échange de 1156 entre Pontigny et le comte de Nevers (acte 85) et est située entre la grange de Beugnon et le village de Sainte-Procaire, n’est plus jamais citée. On peut penser qu’à la suite des acquisitions à Sainte-Procaire, ce lieu a été abandonné comme siège de la grange au profit de Sainte-Procaire. Par contre, Sévy, qui se trouve qualifiée de grange aussi bien dans le cartulaire (acte 62) que dans la confirmation d’Adrien IV[1] semble plutôt une étape, un relais pour les troupeaux à]la limite des terres de pâturage entre Pontigny et Vauluisant qu’une véritable « abbaye au petit pied ». La preuve en est donnée par un acte qui autorise la construction en ce lieu de maisons de bergers (acte 39). C’est certainement le même type de problème que l’on retiouve au xme siècle avec Beauvais, dans la commune de Venouse, qui est qualifiée de grange aux côtés de Beugnon et de Sainte-Procaire : il doit s’agir plutôt d’une ferme installée sur quelques terres — en particulier la terre dite Commune donnée en 1156 (acte 85) dans les alentours de Venouse, que l’on sait être un village avec une active communauté[2].

Il y a peut-être donc là abus du terme grangia, ce qui ne nous étonne pas, car l’on voit dans notre cartulaiie même certains seigneurs utiliser ce mot pour qualifier leurs domaines agricoles (nos 168, 296, 386). À l’inverse deux unités agricoles dont on est sûr qu’elles étaient des granges, ne sont pas qualifiées comme telles Sainte-Procaire, qui ne figure sous ce titre que dans un seul acte (no 254), et Champtrouvé, qui n’est jamais nommée ainsi dans le cartulaire alors qu’elle porte ce qualificatif dans le privilège d’Adrien IV[3].

Au total, au xiie siècle, on peut recenser les granges suivantes près de l’abbaye, Sainte-Procaire et Beugnon ; vers le Nord, Crécy et Champtrouvé ; dans la forêt d’Othe, Chailley et Bœurs, avec le relais de Sévy au Sud, Fouchères, puis les deux granges de Villiers et Aigremont. À ces granges s’ajoutent au xiiie siècle des unités dans des villes, (ou à leurs abords), qui prennent au xiiie siècle à la fois l’allure de centres d’exploitation et de centres de rassemblement et perception des rentes Auxerre, Sens, Troyes, Tonnerre, Mâlay-le-Vicomte, le tout formant un ensemble de satellites dont on peut au début du xive siècle, par les annotations marginales, dresser la carte des zones d’influence.

Il est impossible à l’aide du cartulaire de dresser la chronologie des granges de Pontigny. Tout au plus pouvons-nous donner les noms des principales qui font chacune l’objet d’un chapitre du cartulaire : Aigremont, Bœurs, Chailley, Crécy, Sainte-Procaire et Villiers. En définitive, Pontigny possède un nombre assez restreint de granges importantes, alors que Clairvaux, à la même époque, en compte douze[4]. À côté de ces centres purement agricoles, Pontigny compte aussi un cellier à Chablis[5] : en effet, la région renferme un certain nombre de vignobles dont l’abbaye a reçu quelques parcelles.

  1. Quantin, Cart. gén. de l’Yonne, t. I, p. 549, no 384.
  2. Voir l’introduction au cartulaire de Quantin.
  3. Quantin, Cart. gén. de l’ Yonne, t. I, p. 549, no 384.
  4. H. d’Arbois de Jubainville, Études…, p. 310.
  5. N° 12.