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cartulaire de l’abbaye cistercienne de pontigny.

Enfin Pontigny obtint quelques prés aux alentours de Villiers et d’Aigremont, quelques maisons, dont deux à Auxerre et une à Chablis[1], et deux moulins, dont l’un dans l’aleu de Revisy, tout près de Pontigny[2]. Très tôt aussi les moines s’efforcèrent de se procurer des droits de pêche et, parfois même, ils achetèrent des droits d’usage sur les rivières ou des portions de ces étendues d’eau : l’eau, en effet, leur était nécessaire pour faire marcher leurs moulins et entretenir des viviers si utiles à une époque où le poisson était la nourriture essentielle des moines[3].

Ce ne sont pas là les seuls droits et redevances que Pontigny chercha à acquérir pour augmenter son temporel. Pourtant, plus que des acquisitions de dîmes[4], elle s’efforça d’obtenir des exemptions de cette redevance qui dans la région était perçue sur tous les revenus de la terre[5]. L’évêque est, en principe, le seul à pouvoir en faire don ou en exempter un établissement religieux. Aussi les premiers actes la concernant à Pontigny viennent-ils des prélats locaux. Dès 1123, l’évêque de Langres exempte les moines de Pontigny de toute dîme dans l’étendue de son diocèse[6] ; l’archevêque de Sens fait de même en 1127[7]. Par un acte de la même année, l’évêque d’Auxerre donne à Pontigny toutes les dîmes des terres que l’abbaye a mises en culture dans la paroisse de Venouse[8]. Aussi, très vite, la papauté entérine-t-elle cette pratique et, en 1132, Innocent II exempte-t-il tous les Cisterciens de la dîme sur leurs terres, ce qui, bien vite, amena de nombreux conflits. C’est pourquoi, comme d’autres établissements cisterciens, Pontigny, en dehors des dons de dîmes que lui accordèrent des seigneurs, qui eux-mêmes les avaient usurpées[9], préféra avoir recours à des solutions transactionnelles[10]. C’est ce qui se produisit dans un acte du doyen de Notre-Dame d’Auxerre, Oury, qui concéda à Pontigny une dîme en échange de la perception d’un cens[11].

Cependant, au xiie siècle, ces acquisitions de dîmes ne peuvent être considérées comme des infractions à la règle cistercienne qui interdit à tout monastère de son ordre de percevoir des dîmes sur les biens d’autrui[12]. En effet, il est bien précisé dans toutes les donations ou accords que la dîme ainsi consentie ne porte que sur des terres que possède l’abbaye.

Pontigny put aussi acquérir des cens, c’est-à-dire ces redevances que payait, à titre récognitif, le tenancier d’une terre à son propriétaire éminent.

  1. nos 103, 308, 358.
  2. N° 101.
  3. nos 84, 101, 134, 149, 153, 274.
  4. P. Viard, Histoire de la dîme ecclésiastique dans le royaume de France aux xiie et xiiie siècles, Paris, 1912.
  5. N° 269 : …de universis laboribus et satis vestris, per singulas species sive holerum, leguminum, pomorum et quorumque graminum in terris quas possidetis.
  6. N° 267.
  7. N° 269.
  8. N° 268.
  9. Ex. : n° 11, n° 266.
  10. J.-B. Mahn, L’ordre cistercien et son gouvernement…, p. 105 et suiv.
  11. N° 10.
  12. Canivez, Statuta…, t. I, p. 14 et 15.