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LE POISSON D’OR

— Que sais-tu ?

— Rien.

— Apprends donc tout, garçon, et hâte-toi. Jeanne a promis de t’attendre. Nous ferons la noce le jour où tu seras reçu patron au cabotage.

J’eus comme un éblouissement de joie, et je sortis pour commencer mes études. J’achetai un alphabet de cinq sous. Je n’avais aucune idée de ce qu’il fallait apprendre pour devenir patron au cabotage, mais il me semblait que j’allais devenir savant en quelques jours.

Par le fait, monsieur l’avocat, la science du patron au cabotage n’est pas le Pérou, à ce qu’il paraît ; mais je ne suis pas près de passer mon examen. J’ai la tête dure, et sans l’idée de Jeanne, je jetterais mes bouquins par-dessus bord.

— Celui qui parlait ainsi en 1805, mesdames, dit ici M. de Corbière en s’interrompant, devait dix ans plus tard, siéger avec éclat à la Chambre des pairs et venir en aide, presque seul parmi ses collègues, aux efforts éloquents de Berryer, lors du procès du maréchal Ney ; il devait porter jusqu’au chevet de Louis XVIII sa vaillante protestation, et, en présence du roi lui-même, – je puis le garantir, j’étais présent, — imposer silence au duc de Duras, qui conseillait de ne point entendre les clémentes supplications de la duchesse d’Angoulême.

Celui-là, qui était si loin de son humble examen de patron au cabotage, devait être un grand chrétien, un savant distingué et un éminent homme de mer : le contre-amiral comte de Chédéglise, membre de l’Institut, et l’un des meilleurs officiers généraux de notre marine sous la Restauration.