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LE POISSON D’OR

Et la foule s’assemblait déjà pour voir l’ancien innocent, devenu flamboyant et fier comme un aide de camp de l’amiral.

Nous avions notre bateau à quai. J’ignore si ce fut un pressentiment qui me fit dire à Seveno de nous attendre avec ses hommes.

Nous trouvâmes le grand-père fort abaissé, mais jouissant de toute son intelligence et parlant encore sans trop de difficultés. Jeanne n’avait que ses larmes ; elle faisait pitié, mais elle était belle comme l’ange des douleurs. Moi-même, je sentis mes yeux se mouiller quand le vieillard me dit :

— Bonjour, monsieur Corbière, et grand merci d’être venu. Voilà donc l’enfant qui va rester seule au monde !

Je ne répondis point ; il me tendit la main et serra faiblement la mienne en ajoutant :

— Puisque vous êtes venu, c’est que vous ne voulez pas l’abandonner.

Vincent qui était derrière moi, s’approcha.

— Monsieur Keroulaz, murmura-t-il, j’ai fait de mon mieux et ma femme ne manquera de rien.

Le vieillard eut presque un sourire. Son regard s’arrêta longtemps sur ce beau jeune homme à l’œil vaillant et doux. Il fit signe à Jeanne d’approcher. Elle obéit, et, sur l’ordre muet de son aïeul, elle présenta son front pâle à Vincent, qui l’effleura de ses lèvres.

M. Keroulaz parvint à se mettre sur son séant ; sa main tremblante fit le signe de la croix et il dit en élevant la voix :

— Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, soyez promis l’un à l’autre, mon fils et ma fille.

Il voulut me parler seul à seul. Les fiancés se retirèrent dans la chambre voisine en se tenant par la