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cela pouvait paraître d’autant plus légitime que les prophètes n’avaient pas expressément rattaché au fils de David toutes les splendeurs de l’avenir.

Mais on ne pouvait, sans se heurter à la tradition, transporter le Messie d’une tribu à une autre. Il nous semble même, contrairement à M. Charles, que le Messie descendu de Juda n’est pas absent de la source primitive des Testaments, et c’est là une nouvelle ressemblance avec le livre des Jubilés. Nous croyons en effet reconnaître à propos de Juda le même phénomène d’une esquisse juive développée dans le sens chrétien, avec cette seule différence de pure forme, qu’ici les interpolations chrétiennes se trouvent au début. Pour les réduire à leur minimum, nous traduisons d’après la traduction grecque de la version arménienne dans Charles[1].

1.Et après cela se lèvera l’astre de paix, du soleil de justice,
et il conversera avec les hommes dans la douceur et la justice.
2.Et les cieux s’ouvriront pour lui,
et les bénédictions du père saint se répandront sur lui,
et lui répandra sur nous l’esprit de grâce.
3.Et vous lui serez en adoption de vérité,
et vous marcherez selon ses préceptes, premiers et seconds.
4.Alors montera de moi un germe[2].
5.Et il restaurera le sceptre de mon règne,
et de notre racine s’élèvera une tige[3],
6.Et il en montera une verge de justice pour les nations,
pour juger et sauver tous ceux qui invoquent le Seigneur[4].

M. Charles a parfaitement remarqué qu’il y a là deux messianismes juxtaposés, et qui ont chacun leur début. Entraîné par son interprétation du psaume lévitique[5], auquel ces premiers versets ressemblent si étroitement, il croit distinguer d’abord le Messie issu de Lévi. Le second Messie viendra de Juda, mais, parce que M. Charles ne veut point le voir paraître sous Jean Hyrcan, il imaginera d’attribuer le second morceau à une époque postérieure.

En réalité le début, où l’allusion au baptême de Jésus est si évi-

  1. Jud., xxiv ; on trouvera le grec aux appendices, texte II.
  2. M. Charles indique ce verset comme interpolé, mais on n’en voit pas la raison. L’expression rappelle Jér. xxiii, et xxxiii, 15 d’après l’hébreu pour le germe ; les LXX avaient traduit ἀνατολή.
  3. Is. xi, 1.
  4. Joël, II, 32.
  5. T. Lév., xviii.