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Un peu plus loin, dans ce même Testament de Dan, Juda est placé avant Lévi, mais il ne s’agissait originairement que d’une tribu, et il faut plus probablement effacer Juda[1], car c’est ordinairement Lévi qui conduit la guerre. Dans le Testament de Nephtali, Lévi n’est pas seulement nommé le premier ; il est comparé au soleil, et Juda à la lune ! douze rayons sont sous leurs pieds[2]. Aussi le patriarche recommande-t-il à ses enfants de s’unir à Lévi et à Juda[3]. Gad annonce comme les autres patriarches que le salut viendra des deux mêmes tribus, qu’il faut donc leur rendre honneur. Juda est nommé avant, mais on peut se demander si c’est bien l’ordre original[4], d’autant que dans le Testament de Joseph, et dans le même contexte, Lévi reparaît le premier[5].

Il y a plus ; tandis que Lévi est béni par le Seigneur lui-même, c’est seulement l’ange de la face qui bénit Juda[6].

On a remarqué combien de fois reparaît cette pensée que le salut se lèvera sur Israël par Lévi et par Juda. Si cette phrase avait une origine chrétienne, on pourrait, à la rigueur, l’entendre du sacerdoce de Jésus-Christ, uni à son titre royal davidique. Encore est-il que la doctrine de l’épître aux Hébreux, suivie par tout le christianisme primitif, marque plutôt l’extinction du sacerdoce lévitique que la fusion des deux titres. Cette fusion au contraire s’est opérée dans Israël lorsque les grands-prêtres Asmonéens sont devenus les princes de Juda et les véritables chefs de la nation. D’ailleurs ce sont bien, nous l’avons vu à propos de Nephtali, les tribus qui sont visées, non un héros, sorti par hypothèse des deux tribus, et le salut d’Israël ce sont les guerres conduites par Lévi.

Le caractère belliqueux de ce sacerdoce est encore mieux marqué dans le Testament de Lévi. Lévi est glorifié pour avoir tiré vengeance

  1. Dan, v, 10 : Καὶ ἀνατελεῖ ὑμῖν ἐκ τῆς ϕυλῆς [Ἰούδα καὶ] τοῦ Λευὶ τὸ σωτήριον Κυρίου αὐτὸς γὰρ ποιήσει πρὸς τὸν Βελίαρ πόλεμον. La guerre contre Béliar a un aspect moins chrétien que l’enchaînement de Béliar, cependant le passage est bien mêlé.
  2. Nepht., v, 4 : Καὶ ὄντος τοῦ Λευὶ ὡς ὁ ἥλιος… καὶ Ἰούδας ἐγένετο λαμπρὸς ὡς ἡ σελήνη, καὶ ἦσαν ὑπὸ τοὺς πόδας αὐτῶν δώδεκα ἀκτῖνες.
  3. Nepht., viii, 2 :… ἐντείλασθε τοῖς τέκνοις ὑμῶν ἵνα ἑνοῦνται τῷ Λευὶ καὶ τῷ Ἰούδα.
  4. Gad, viii, 1 :… ὅπως τιμήσωσιν Ἰούδα καὶ Λευὶ ὅτι ἐξ αὐτῶν ἀνατελεῖ [ὑμῖν] Κύριος σωτηρίαν τῷ Ἰσραήλ.
  5. Jos., xix, 11. Le texte restitué d’après l’arménien, plus pur d’interpolations chrétiennes : Καὶ ὑμεῖς, τέκνα μου, τιμήσατε τὸν Λευὶ καὶ τὸν Ἰούδαν ὅτι ἐξ αὐτῶν ἀνατελεῖ ἡ σωτηρία τοῦ Ἰσραήλ. On ne fait pas état de Jud., xxi, 2-4, où la suprématie du sacerdoce est si clairement indiquée, parce que ce passage ne se trouve pas dans la version arménienne. Juda est censé dire que Dieu ne lui a donné que la royauté, ce qui est terrestre, mais à Lévi le sacerdoce, c’est-à-dire les choses du ciel. On dirait de la querelle du Sacerdoce et de l’Empire !
  6. Jud., xxv, 2 : Καὶ ὁ Κύριος εὐλόγησε τὸν Λευί, ὁ δʹ ἄγγελος τοῦ προσώπου ἐμέ.