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âme[1] entrera dans les ténèbres et dans les liens et dans une flamme ardente, là où aura lieu le grand châtiment, et le grand châtiment durera dans toutes les générations du monde ; malheur à vous, car vous n’aurez pas de paix ».

Cette révélation de la justice absolue explique l’énigme du temps présent. Comme l’auteur de la Sagesse, notre voyant console ainsi les justes des maux que leur font endurer les méchants. Ce sont les mêmes problèmes généraux et les mêmes solutions, avec un accent beaucoup plus religieux dans le livre de la Sagesse, plus de haine et de colère dans celui d’Hénoch. Cette véritable fureur s’explique probablement parla lutte acharnée des partis ou par une persécution. On a pensé à la situation des Pharisiens, malmenés par Alexandre Jannée (103-76 av. J.-C.), et cela est vraisemblable, sans être décisif. La persécution d’Antiochus Épiphane a pu provoquer la même explosion de colère, mais l’ensemble paraît plus récent. On peut se rappeler la dureté des exactions romaines. S’il est vraisemblable que les Sadducéens sont visés, il est tout à fait certain que l’auteur en a avant tout à l’idolâtrie et qu’il condamne sans distinction les païens au feu éternel[2] : « Et toutes les idoles des païens et (leur) temple seront livrés au feu ardent. On les chassera de toute la terre et ils seront jetés dans le supplice du feu, et ils seront détruits par la colère et par un supplice terrible, qui sera éternel ».

Cette apocalypse peut donc se placer de 50 avant à 50 après J.-C. Elle a comme appendice le chapitre cviii[3], muni d’un titre spécial. C’est une eschatologie fort spirituelle, et d’un ton plus modéré, malgré l’opposition très marquée entre les fils de lumière et ceux des ténèbres. Il est presque chrétien d’allure, et s’adresse cependant à ceux qui observeront la Loi dans les derniers temps[4].

Si on ne peut faire remonter ces doctrines plus haut que les Séleucides, elles peuvent descendre plus bas, car elles sont désormais le patrimoine des Juifs. On en trouve un autre échantillon dans le IVe livre de la Sibylle, que la critique actuelle attribue à un Juif, vers l’an 80 après J.-C.[5]. Lorsque tout le monde aura péri par le feu, quand tout sera réduit en poussière, alors Dieu ressuscitera tous les hommes et procédera au jugement. Les impies seront plongés sous

  1. Il ne semble pas que les méchants ressuscitent.
  2. xci, 9 (Trad. Martin).
  3. Les chap. cvi et cvii reviennent à l’histoire de Noé.
  4. cviii, 1.
  5. Alexandre le croyait chrétien, et s’appuyait sur les vers 162-172, qui sont peut-être en effet une interpolation chrétienne. N’est-ce pas le baptême plutôt que le bain des prosélytes qui est décrit v. 165 ss. ?