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Israël est donc ici assimilé à un sage, comme les sages sont par excellence les Israélites. Il y avait dans la réalité quelques ombres à ce tableau. Plusieurs Israélites étaient infidèles à la Loi, quelques-uns même au culte d’un seul Dieu. Ils ne seraient pas non plus frustrés de la félicité promise aux justes, à la condition de faire pénitence.

C’est cet aspect de la question que présente le traité De exsecrationibus. Il commence par décrire les maux qui accompagnent le péché de ceux qui se sont laissés aller à l’idolâtrie, oubliant le culte du seul Dieu qu’ils avaient appris dès l’enfance. Mais s’ils se repentent, ils obtiendront le pardon. « Et[1] même s’ils se trouvaient aux extrémités de la terre, dans l’esclavage, auprès des ennemis qui les ont emmenés captifs, tous seront délivrés en un seul jour, comme à un signal, à cause de l’impression que causera sur leurs maîtres cette conversion soudaine à la vertu ; car ils les laisseront aller, confus de commander à de meilleurs qu’eux-mêmes. Et[2] lorsqu’ils auront obtenu cette liberté inattendue, eux, qui naguère étaient dispersés dans la Grèce et les pays barbares, les îles et les continents, tendront d’un seul élan, chacun de son côté, vers le lieu désigné, guidés par une apparition plus divine qu’il n’est dans la nature humaine, invisible aux autres, manifeste seulement à ceux qui sont sauvés » [3].

M. Schürer[4] refuse de voir le Messie dans cette apparition surnaturelle ; ce serait plutôt une colonne de feu comme à la sortie d’Égypte. Assurément le terme de Messie ne serait pas justifié ; mais cette apparition qui dépasse les proportions de la nature humaine semble bien se présenter sous des traits humains ; on dirait d’un ange qui se fait guide dans des conditions moins modestes que l’ange Raphaël dans Tobie. Ce qui est tout à fait surnaturel, c’est cette conversion générale au même moment ; il faut évidemment supposer qu’elle suit quelque manifestation de la toute-puissance divine donnant le premier signal[5]. La conversion est due tout d’abord à la bonté de Dieu, puis à l’intercession des ancêtres, dont les âmes supplient Dieu pour leurs fils et leurs filles ; elle a pour terme de plaire à Dieu comme des fils à leur père.

  1. De exsecrationibus, viii.
  2. De exsecrationibus, ix.
  3. … ὁρμῇ μιᾷ πρὸς ἕνα συντενοῦσιν ἀλλαχόθεν ἄλλοι τὸν ἀποδειχθέντα χῶρον, ξεναγούμενοι πρός τινος θειοτέρας ἢ κατὰ φύσιν ἀνθρωπίνων ὄψεως, ἀδήλου μὲν ἑτέροις μόνοις δὲ τοῖς ἀνασῳζομένοις ἐμφανοῦς (De exs., ix ; Cohn, 165).
  4. Geschichte…, II4, p. 602.
  5. Ce signal était une idée assez familière à Philon pour qu’il s’en servît dans une comparaison : καθάπερ οὖν ἀνθρώπους ἐν ἐσχατιαῖς ἀπῳκισμένους ῥᾳδίως <ἂν> ἑνὶ κελεύσματι συναγάγοι ὁ Θεὸς ἀπὸ περάτων εἰς ὅ τι ἂν θελήσῃ χωρίον (De praemiis, xix ; Cohn, 117).