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CHAPITRE II

PHILON D’ALEXANDRIE


Josèphe devait passer le premier, parce qu’il représente toute l’histoire depuis le début de notre époque ; Philon est cependant plus ancien (mort vers 60 ap. J.-C.). Il a trop d’importance comme philosophe et comme commentateur pour qu’on néglige sa pensée dans une étude sur le messianisme ; d’autre part, cette pensée est trop particulière pour qu’on le range soit parmi les écrivains plus ou moins teintés d’apocalypse, soit parmi les rabbins. Il semble même au premier abord que son titre de philosophe devait l’éloigner du messianisme, du moins tel qu’on l’entendait de son temps, avec cet aspect national et temporel caractérisé qui faisait l’espoir des Juifs de Palestine.

Celui qui regardait le sage comme citoyen du monde pouvait-il se solidariser avec les espérances nationales ? Celui qui mettait au-dessus de tout les biens de l’âme pouvait-il attacher quelque prix aux promesses de bonheur extérieur faites par Dieu à son peuple ?

A ne suivre que la logique, il faudrait donc conclure que Philon devait, ou renoncer au messianisme en philosophe, ou l’entendre dans un sens religieux, comme les apôtres. Il n’a fait ni l’un ni l’autre, et rien peut-être n’est plus propre à montrer à quel point la véritable intelligence religieuse des prophéties a dépendu de la révélation de Jésus.

Tout d’abord, quand Philon affirme[1] que le sage est citoyen du monde, ce terme ne doit pas se traduire trop littéralement par cosmopolite dans le sens moderne[2]. Le juif est le véritable citoyen du monde, non qu’il n’ait pas de patrie, mais parce que sa loi étant en

  1. Les citations empruntées à M. Bertholet sont notées d’après l’édition de Mangey que je ne puis consulter ; les autres textes d’après l’édition critique de MM. Cohn et Wendland dont les cinq premiers volumes ont paru ; on indique alors l’ancienne annotation par chapitres.
  2. Bertholet, Die Stellung der Israeliten und der Juden zu den Fremden, p. 275, qui cite pour le mot κοσμοπολίτης De mundi opif. M. (éd. Mangey) I, 1 ; ibid. M. I, 34 ; De Gigant. M. I, 271 ; De confus. ling. M. I, 420 ; Vita Moys. I, M. II, 106.