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vulgaire, à la façon des hommes qui croient ce qu’ils désirent, estimant que ce destin splendide leur était réservé, ne se rendaient pas à la réalité malgré leurs malheurs » [1].

Suétone suit Josèphe de moins près, et il étend, on ne sait sur quelle autorité, à tout l’Orient, l’attente messianique. Peut-être avait-il, en outre, une vague connaissance des livres sibyllins : « Une tradition ancienne et continue s’était répandue dans tout l’Orient, qu’il était dans les lois du Destin, que des personnes venues de la Judée s’empareraient du pouvoir. Cette prédiction qui s’appliquait à l’empereur romain, comme il parut du moins par l’événement, les Juifs, se l’étant appropriée, se révoltèrent » [2]. Ce n’est plus seulement l’obstination dans la lutte, c’est son origine même qui est ici rattachée au messianisme. Dans Suétone, comme dans Tacite, ce messianisme est collectif, probablement parce que, dans leur pensée, il s’appliquait à la dynastie des Flaviens, ou du moins à Vespasien et à Titus.

De tout cela, nous pouvons bien conclure que si l’histoire ne peut affirmer d’aucun des perturbateurs qu’il a pris le titre de Messie, elle est en droit de supposer que plus d’un l’a pris. C’en est assez pour justifier la parole de Jésus sur les faux Christs dont il avertit ses disciples de se défier[3].

  1. Tacite, Hist. V, 13 : Quae pauci in metum trahebant : pluribus persuasio inerat, antiquis sacerdotum litteris contineri, eo ipso tempore fore, ut valesceret Oriens, profectique Judaea rerum potirentur : quae ambages Vespasianum ac Titum praedixerant. Sed vulgus, more humanae cupidinis, sibi tantam fatorum magnitudinem interpretati, ne adversis quidem ad vera mutabantur.
  2. Suet., Vesp. c. 4 : Percrebuerat oriente toto vetus et constans opinio, esse in fatis, ut eo tempore Iudaea profecti rerum potirentur. Id de imperatore romano, quantum postea eventu paruit, praedictum Judaei ad se trahentes rebellarunt.
  3. M. Loisy (Les évangiles synoptiques, II, p. 409) dit donc d’une façon trop absolue : « Theudas, Simon le Magicien ne sont pas de faux christs. On n’en signale aucun dans l’insurrection qui amena la ruine de la nation juive, et l’histoire n’en connaît pas avant Barkochba, au temps d’Hadrien. » L’histoire n’en connaît aucun par son nom parce que les historiens – c’est-à-dire Josèphe – ne nous les ont pas désignés, mais ils nous permettent de conclure qu’il y en eut beaucoup. M. Loisy admet qu’ils purent se prévaloir d’une mission divine : à cette époque, et quand on aspirait à une royauté fondée sur des prodiges, n’est-ce pas se donner comme Messie ?