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et qui ne manquaient pas de témoins oculaires[1]. Les docteurs de la Loi, d’après Josèphe, les interprétaient dès lors comme des présages de malheur, ce qui marque bien l’aversion des Pharisiens pour une résistance sans espoir ; mais le peuple les tenait pour des gages de salut. On avait vu au-dessus de la ville un astre semblable à un glaive[2]. Une comète avait brillé pendant un an. On racontait que, avant les débuts de la sédition, pendant que le peuple était réuni à la fête des Azymes, à la neuvième heure de la nuit, une clarté s’était répandue autour de l’autel et du temple, comme si l’on était en plein jour, pendant l’espace d’une demi-heure. A la même solennité, une vache, amenée pour le sacrifice, avait mis bas un agneau. La lourde porte orientale du hiéron intérieur, que vingt hommes remuaient à peine, s’était ouverte d’elle-même pendant la nuit. Le populaire en concluait que Dieu leur ouvrait la porte de tous les biens. Peu de jours après la fête, avant le coucher du soleil, on vit des chars et des phalanges armées portés dans les nuages et entourant la ville. Peut-être le peuple se rappela-t-il le cavalier céleste qui était venu au secours de Judas Macchabée[3]. Les batailles dans le ciel qu’on avait vues au temps d’Antiochus Épiphane[4] n’avaient pas présagé des malheurs sans remède ; à la fin, la délivrance était venue.

Certains prodiges ne pouvaient guère être pris en bonne part, comme ces voix entendues dans le temple par les prêtres, et qui criaient : sortons d’ici ! Ou comme le cri lugubre d’Ananie, qui ne cessa pendant sept ans de répéter : malheur à Jérusalem ! Mais on savait sans doute répondre à ces prophètes de malheur.

Prophéties et interprétations en sens contraire sont bien l’indice d’une extrême exaltation religieuse, et, comme Josèphe nous l’a appris, ce qui excitait le plus les esprits, c’est qu’un roi sorti de la Judée devait délivrer la ville et gouverner le monde. C’est dans ce sens que le messianisme était vraiment le foyer de la résistance.

Car il ne semble pas qu’aucun chef se soit donné comme Messie, ou du moins qu’il ait réussi à passer pour tel. Ni Éléazar qui déchaîna la révolte et fut longtemps maître du temple, ni Jean de Giscala, ni Simon que les Romains regardèrent comme leur principal ennemi et qui fut exécuté comme tel après le triomphe, ne semblent avoir joué ce rôle. On le dirait volontiers de Manahem, fils de Judas le Galiléen, qui

  1. Bell. VI, v, 3.
  2. Parmi les signes de la fin de la terre dans la Sibylle (III, 796-808), on trouve les épées qui apparaissent dans le ciel étoilé vers le soir et vers l’aurore, et des combats de cavaliers et de fantassins dans les nuées.
  3. II Mac. xi, 8.
  4. II Mac. v, 1 ss.