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Ce fut le point de départ des troubles qui éclatèrent au début du principat d’Archélaüs.

De la mort d’Hérode à la destruction complète de Jérusalem, sous Hadrien, le judaïsme a connu trois crises où le messianisme joua un rôle, difficile à déterminer, peu considérable d’abord, et, à ce qu’il semble, ascendant.

La première crise se place après la mort d’Hérode. Les Romains y sont engagés, parce qu’ils soutiennent sa dynastie, et ils interviennent. Mais ceux qui, comme le procurateur Sabinus, voudraient dès lors faire main basse sur le trésor royal et s’emparer des forteresses, sont désavoués par le gouvernement impérial. Auguste, après avoir hésité longtemps, se détermine à partager les états d’Hérode entre ses fils, selon les termes de son testament ; il donne en particulier la Judée et la Samarie à Archélaüs avec le titre d’ethnarque.

Les Juifs devront donc subir encore la domination des Hérodes. Ils ont pu constater plus d’une fois que les conseils de modération venaient de Rome : le joug hérodien leur est plus odieux que l’administration du gouverneur de la Syrie, résidant à Antioche, c’est-à-dire très loin. Ils sont obligés de reconnaître, en dépit de leurs exigences toujours croissantes, qu’ils jouissent dans tout l’empire, depuis César, d’un traitement de faveur. Si les populations, surtout en Orient et dans les cités grecques, ont essayé d’empiéter sur leurs privilèges, l’autorité romaine la plus haute, récemment encore Agrippa[1], leur a toujours donné gain de cause.

L’idéal pratique de tous les grands, et très probablement de toute l’élite de la nation, aristocratie, sacerdoce, docteurs de la loi, était donc une raisonnable indépendance sous la direction du gouverneur de Syrie. C’est ce qu’ils exposent par deux fois[2] à Auguste, luttant, à Rome même, contre les prétentions d’Archélaüs et d’Antipas[3]. Le règne d’Hérode, disent-ils, a dépassé en horreur toutes les calamités de leur histoire par sa cruauté, sa tyrannie financière, ses spoliations, ses impudicités. Archélaüs a montré qu’il ne serait pas meilleur que son père : « Le résumé de leur requête était d’être délivrés de la

  1. Ant. XVI, vi, 1-5, série de décrets qui se continueront. Quelques-unes des pièces alléguées par Josèphe sont mal datées, et d'autres sont assez suspectes; mais cela ne change rien à la situation générale. Voir par exemple Revue des études juives, t. XXXVIII, p. 161-171, Antiochus Cyzicène et les Juifs, par M. Th. Reinach; t. XXXIX, p. 16-27, Le décret athénien en l'honneur d'Hyrcan, par M. Th. Reinach; t. LIII, p. 1-13, Une ambassade juive à Pergame, par M. J. Hatzfeld.
  2. Avant et après la guerre de Varus.
  3. Ant. XVII, ix, 4: πάντων τῶν συγγενῶν ἀπόστασις ἦν πρὸς αὐτόν... μάλιστα μὲν ἐπιθυμοῦντες ἐλευθερίας καὶ ὑπὸ Ῥωμαίων στρατηγῷ τετάχθαι.