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était légitime à leurs yeux et par un sentiment de solidarité nationale.

Toutefois il est certain qu’ils ont dissimulé leur adhésion partielle, et qu’ils ont renié le faux Messie, au moins après sa chute.

A les en croire, Bar-Koziba aurait soumis son messianisme à l’examen d’une académie de rabbins. Débouté de ses prétentions, il aurait été mis à mort par eux[1].

Ils affectent de ne le nommer jamais Bar-Kokébas, mais seulement Bar-Koziba. On croit généralement qu’ils entendent par là le désigner « fils du mensonge » au lieu de « fils de l’étoile ». M. Bacher a protesté[2]. Le calembour formel ne se rencontrerait qu’à une époque assez basse. Bar-Koziba était en somme le propre nom du personnage. Il n’en est pas moins vrai qu’on l’a connu longtemps comme « fils de l’étoile », et les auteurs chrétiens n’auraient pas retenu ce nom seul, s’il n’avait été usité couramment.

A lire les sources, on croirait que l’adhésion des rabbins a été plus que discrète. Celle d’Aqiba ne nous est racontée que suivie de la protestation de R. Iokhanan b. Torta. On nous dit qu’Éléazar de Modin était parmi les défenseurs de Béther, et l’ange gardien de cette place, pour mettre dans tout son relief l’odieux forfait de Bar-Koziba. Au même endroit les rabbins blâment les sacrifices que ce tyran imposait à Israël. Enfin il meurt frappé par Dieu, et on trouve un serpent enroulé sur son corps[3].

Le rabbinisme essaya donc de rejeter sur l’auteur principal de l’entreprise toute la responsabilité et d’atténuer la part qu’il avait prise aux événements. Et Bar-Kokébas fut bien cet auteur principal. Lui mort, l’élan qui avait emporté quelques docteurs tomba de lui-même. Ils revinrent à leur attitude favorite, persuadés qu’ils obtiendraient beaucoup plus du pouvoir impérial par la soumission que par la force… en attendant que Rome succombât.

On ne voit pas d’ailleurs que ce lamentable échec ait rien changé à leurs convictions messianiques. Plus que jamais le Messie temporel était nécessaire pour la restauration d’Israël. Les aspirations ne s’orientèrent pas vers le ciel parce que la terre leur manquait. Elles furent peut-être seulement plus contenues sans être moins âpres, on avait une revanche de plus à prendre, de nouvelles injures à venger ;

  1. b. Sanh. 96b ; voir plus haut, p. 229.
  2. Revue des études juives, t. XXXVI, p. 203 : « rien ne prouve qu’on n’(sic) ait également songé à l’étymologie du mot כוזבה, lieu natal de notre héros ».
  3. M. Schlatter regarde comme une réprobation le rejet de ses monnaies pour les usages religieux. Mais ce rejet s’imposait pour des monnaies qui n’avaient plus cours ; cf. les textes dans Madden, Coins of the Jews, p. 311.