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femme, ils lui prédirent, en vertu de leur don prophétique, que la royauté, par un décret de Dieu, serait enlevée à Hérode et à ses enfants pour revenir à elle, à Phéroras et aux enfants qu’ils auraient. La femme de Phéroras sera donc comme dépositaire du pouvoir réservé à un enfant attendu. Cela tournait au complot, et Hérode n’hésita plus à sévir. « Le roi fait exécuter les Pharisiens les plus coupables, et l’eunuque Bagoas, et Caros, son favori, d’une beauté remarquable. Il tue aussi tous ceux de sa maison qui avaient prêté l’oreille à ce qu’avait dit le Pharisien. Or Bagoas avait été excité par eux comme devant être le père et le bienfaiteur du roi qui devait être établi d’après la prophétie ; car [ce roi] devait avoir tout en sa puissance, il devait lui donner le pouvoir de se marier et d’avoir des enfants à lui » [1].

Il est bien fâcheux qu’on ne sache pas qui était ce Bagoas dont le nom, d’origine perse, signifie simplement qu’il était eunuque. Mais le changement qu’on lui promet dans sa personne est une allusion évidente au texte d’Isaïe[2], visant lui-même la grande transformation de l’avenir. D’après les Pharisiens, c’est le roi qu’ils annoncent, probablement par l’organe d’un d’entre eux, d’un prophète, qui fera ce miracle. Nous sommes donc ici en présence de la première tentative caractérisée en faveur d’un Messie personnel, encore à venir, mais désigné dans ses origines, et il est assez remarquable que cette origine est surtout marquée par la mère[3].

Cela se passait environ deux ans avant la naissance de Jésus (7 ou 6 avant J.-C.)[4].

Tant qu’Hérode vécut, toute agitation était condamnée d’avance. C’est parce qu’on le crut mort que des jeunes gens, excités par Judas et Matthias, docteurs de la loi en grand renom, se hasardèrent à décrocher l’aigle d’or placée au-dessus de la grande porte du temple. Cette audace leur coûta cher ; ils furent brûlés vifs. D’ailleurs, ils n’avaient d’autre but que de protester contre ce qu’ils jugeaient une violation flagrante de la loi.

  1. Ant. XVII, ii, 4.
  2. Is. lvi, 3-5, où il est seulement promis aux eunuques un nom qui vaudra mieux que des fils et des filles.
  3. Cette femme était d’une origine obscure, et Phéroras, frère d’Hérode, avait bravé sa colère en la préférant à une de ses filles. Peut-être essayait-on de la rattacher à la maison de David. On a un peu exagéré l’importance exclusive de la descendance par les mâles. On voit dans toute l’histoire d’Hérode quel avantage tiraient Alexandre et Aristobule, fils d’Hérode et de Mariamne, de descendre des Asmonéens par leur mère.
  4. Ce qui n’empêche pas que Jésus soit né durant le règne d’Hérode. On sait que la chronologie de l’ère chrétienne est en retard d’au moins quatre ans.