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Pendant qu’Aqiba s’écriait : Voilà le roi Messie, R. Iokhanan b. Torta lui répondit : Aqiba, l’herbe aura poussé entre tes mâchoires avant que le fils de David paraisse[1]. Cette prudente réserve était conforme à la tradition des maîtres, à la conduite antérieure d’Aqiba lui-même. Il est donc vraisemblable qu’il n’a cédé qu’à une imposante pression populaire, comme, d’autre part, la sanction des docteurs était absolument nécessaire à l’aventurier qui se donnait comme Messie. Ce n’était qu’un brigand, analogue à tant d’autres ; mais le signe de l’étoile, reconnu par l’exégèse du plus grand des maîtres, en faisait le libérateur d’un peuple réduit en servitude[2].

Aussi fut-il un véritable souverain, et il y eut un véritable état juif, avec son prince, son grand prêtre et sa capitale.

Ces points ne résultent clairement que du témoignage des monnaies, sur lequel, il est vrai, les spécialistes ne sont pas entièrement d’accord. M. Madden, dans son Corpus des monnaies juives[3], n’attribue à la révolte du temps d’Hadrien que les pièces qui portent pour légende : « Simon » et « Liberté de Jérusalem »[4]. Mais nous ne voyons pas qu’on puisse résister aux raisons apportées par MM. Schürer[5] et Théod. Reinach[6] entre autres, pour rapporter au même temps deux autres séries.

La première, de l’an un de la délivrance d’Israël, offre les quatre combinaisons « Éléazar le prêtre, l’an I de la délivrance d’Israël[7] » ; « Éléazar le prêtre, Simon »[8] ; « Jérusalem, l’an I de la délivrance d’Israël »[9] ; « Simon prince d’Israël, l’an I de la délivrance d’Israël »[10]. La seconde série, de l’an II de la liberté d’Israël, ne connaît plus le prêtre Éléazar : on y trouve seulement « Simon, l’an II

  1. Eod. loc.
  2. Eusèbe, H. E. vi, 6 : τὰ μὲν ἄλλα ϕονικὸς καὶ λῃστρικός τις ἀνήρ, ἐπὶ δὲ τῇ προσηγορίᾳ οἷα ἐπʹ ἀνδραπόδων, ὡς δὴ ἐξ οὐρανοῦ ϕωστὴρ αὐτοῖς κατεληλυθὼς κακουμένοις τε ἐπιλάμψαι τερατευόμενος.
  3. Coins of the Jews, London, 1903.
  4. Droit : שמעון ; Revers : לחרות ירושלם.
  5. Geschichte…, I, Beilage IV, Die jüdischen Sekel- und Aufstandsmünzen, p. 761-772.
  6. L’Histoire par les monnaies, xix et xx.
  7. Dr. : אלעזר הכהן ; Rev. : שנת אחת לגאלת ישראל.
  8. שמעון; אלעזר הכהן. Cette monnaie est des plus intéressantes, puisqu’elle réunit les noms des deux chefs. Mais c’est là une invraisemblance. M. Théod. Reinach y voit le résultat d’une erreur ; un ouvrier aurait combiné deux coins droits au lieu de prendre un droit et un revers (Une monnaie hybride des insurrections juives, l. l., p. 217 ss.) ; ce savant cite un cas d’erreur opposée, par l’union de deux revers.
  9. Dr. : ירושלם ; Rev. : שנת אחת לגאלת ישראל.
  10. Dr. : שמעון נשיא ישראל ; Rev. : comme la précédente.