Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du moins prit-elle formellement ce caractère par la reconnaissance d’un Messie : le fameux Bar-Kokébas.

Dans les sources rabbiniques, il est constamment nommé Bar Koziba[1], ou plutôt Kozêba, si on regarde ce nom comme celui de son lieu de naissance et si ce lieu est bien Kozêba, mentionné par la Bible[2]. Il semble que rien dans ses origines n’ait contribué à le rattacher à David. Aussi n’est-ce pas par ce biais qu’on reconnut sa mission. A suivre les analogies, il a débuté comme tous les agitateurs mentionnés par Josèphe, en promettant aux foules des signes du ciel et des miracles. C’est à cette période de sa vie qu’on peut rapporter sans trop d’invraisemblance ce que dit saint Jérôme, qu’il faisait semblant de vomir des flammes[3]. Lorsqu’il se fut imposé à l’attention générale, et que les rabbins durent prendre parti pour ou contre lui, Aqiba, qui le reconnut comme Messie, eut recours à un jeu de mots à propos de l’oracle de Balaam (Num. xxiv, 17), le seul passage que Philon applique à son Messie. Au lieu de lire : « Une étoile (kôkab) sortira de Jacob », il proposait de lire « Koziba sortira de Jacob »[4]. Koziba était ainsi identifié à l’étoile ; on transforma donc Bar Kozêba en Bar-Kokébas, « le fils de l’étoile ». C’est le nom qu’il porte dans les sources chrétiennes[5], et sans aucun doute celui qu’on lui donnait pendant qu’il jouait le rôle de Messie. Eusèbe avait très bien compris le sens du mot[6], et c’est peut-être à cela que fait allusion l’étoile qui brille au-dessus du Temple sur une de ses monnaies[7].

L’adhésion de R. Aqiba, déjà fort âgé, la lumière des maîtres, était un événement d’une portée considérable. Il dut en entraîner beaucoup d’autres. Parmi les rabbins les plus illustres, on peut du moins nommer avec certitude Éléazar de Modin, enfermé dans Béther avec Bar-Kokébas, dont les prières préservaient la ville, et que le tyran, son propre neveu, tua brutalement d’un coup de pied[8].

Mais tous les rabbins ne suivirent pas.

  1. בר כוזיבא, ou, avec le premier mot « fils » en hébreu בן כוזיבא
  2. I Chr. iv, 22. Si c’est bien le même que כזיב (Gen. xxxviii, 5), on peut songer à la source de Akzib, près de Beit-Nettif.
  3. Adv. Rufin, iii, 31 ; P. L., t. XXIII, c. 480 : ut ille Bar-Chochabas, auctor seditionis Iudaicae, stipulam in ore succensam anhelitu ventilabat, ut flammas evomere putaretur.
  4. j. Ta‘an. 68d : תני ר״ש בן יוחי עקיבא היה דורש דרך כוכב מיעקב דכוזבא. Donc une baraïtha de R. Siméon b. Iokhaï rapportant l’exégèse (דורש) de son maître Aqiba. Dans Eka r. sur ii, 2, « ne lis pas Kôkab, mais Kôzeb » (cf. Bacher, Tann. I2, p. 284).
  5. Avec des différences graphiques peu imporantes.
  6. H. E. vi, 6 : ἐστρατήγει δὲ τότε Ἰουδαίων Βαρχωχέβας ὄνομα, ὃ δὴ ἀστέρα δηλοῖ.
  7. Madden, Coins of the Jews, p. 244, n° 38.
  8. j. Ta‘anith, trad. Schwab, t. VI, p. 189.