Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans doute aussi des exécutions. Les rabbins en conservèrent un très pénible souvenir. S’il y eut aussi un soulèvement, on ne voit pas du moins qu’ils y aient pris part. Si la guerre avait été aussi sérieuse qu’en Libye, en Égypte, en Chypre, en Mésopotamie, nous en serions informés par les sources déjà entendues[1].

Quelles furent les causes de cette nouvelle levée de boucliers du monde juif ? Ce qu’on peut dire avec certitude, c’est qu’elle ne fut pas provoquée par l’autorité impériale. Aucune mesure attentatoire aux droits ou même aux privilèges des Juifs n’est signalée. On ne parle pas non plus dans ce cas d’une fermentation des païens contre les Juifs. Les savants juifs, assez soucieux de décharger leur race de toute responsabilité, laissent entendre que ce sont les Juifs qui ont commencé[2], et c’est le témoignage formel des sources. Eusèbe parle d’un esprit de sédition[3]. Josèphe aurait dit le goût des nouveautés. Aujourd’hui on mettrait en avant l’agitation nationaliste. Personne ne fait allusion au messianisme. Mais Dion n’en soufflera mot non plus dans la grande guerre sous Hadrien. Ce qui nous autorise à supposer que les espérances messianiques ne furent pas sans influence sur les esprits, c’est l’analogie des autres guerres, et, de plus, l’attestation formelle d’Eusèbe que le chef des Juifs de Cyrène, — que Dion nommait André, et qu’il nomme Loukouas, — avait pris le titre de roi[4]. On ne peut se soustraire à la conclusion qu’à cette époque un roi des Juifs est un Messie.

Nous savons d’ailleurs par Josèphe que l’esprit des Sicaires avait

  1. Il faut probablement rapporter du moins à l’ensemble de l’agitation juive l’inscription de la porte de Néby Daoud à Jérusalem : Iovi o. m. Sarapidi pro salute et victoria imp. Nervae traiani caesaris optimi aug. Germanici, Dacici, Parthici et populi romani vexill. Leg. III. Cyr. fecit (RB., 1895, p. 239). Elle date au plus tôt de 116 à cause du titre de Parthicus. Le Jupiter Sarapis est peut-être spécialement honoré à cause des évènements d’Égypte.
  2. Voici comment les faits sont exposés par M. Théodore Reinach : « Les boucheries qui éclatèrent presque au même moment sous Trajan en Mésopotamie, à Chypre, à Cyrène, prouvent à quel point l’antagonisme des deux races était exaspéré. À Chypre surtout, ce fut une guerre d’extermination : les juifs massacrèrent tous les habitants grecs de Salamine, et, la révolte étouffée, le séjour de l’île fut interdit aux juifs sous peine de mort. À Alexandrie, les relations n’étaient guère meilleures… À la suite de l’un de ces conflits, le préfet romain d’Égypte, d’accord avec les principaux Alexandrins, décida d’enfermer les juifs dans un ghetto facile à surveiller « d’où ils ne pourraient plus à l’improviste se jeter sur l’illustre cité et lui faire la guerre ». Art. Judaei, p. 622 ; la citation d’après un papyrus du Louvre, no 2376 bis, col. vi, 15.
  3. H. E. iv, 2 : ἔν τε γὰρ Ἀλεξανδρείᾳ καὶ τῇ λοιπῇ Αἰγύπτῳ καὶ προσέτι κατὰ Κυρήνην, ὥσπερ ὑπὸ πνεύματος δεινοῦ τινος καὶ στασιώδους ἀναρριπισθέντες, ὥρμηντο πρὸς τοὺς συνοίκους Ἕλληνας στασιάζειν…
  4. H. E. iv, 4 : ἀλλὰ καὶ τῶν ἀπʹ Αἰγύπτου συναιρομένων Λουκούᾳ τῷ βασιλεῖ αὐτῶν.