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En général cependant les Minim sont regardés comme hors de la communauté ; on doit éviter leur contact plus que celui des païens et leur témoigner aussi plus de haine.

Si un gentil, ou un pasteur, ou un éleveur de petit bétail tombe [dans un puits], on l’y laisse, mais on ne l’y jette pas ; on y laisse aussi les Minim, les apostats et les délateurs, mais de plus on les y jette[1].

Les Minim ne sont peut-être pas visés ici comme chrétiens, mais les Juifs devenus chrétiens sont certainement compris sous cet anathème : ils sont rangés parmi les traîtres, traîtres à leur Dieu et à leur peuple.

On les regarde comme adonnés à la magie[2] ; mieux vaudrait mourir qué d’être guéri par leurs soins[3]. Leurs livres sont des livres de magie, qu’il faut brûler, dût-on brûler en même temps le nom divin qu’ils contiennent[4], R. Tarphon serait entré dans une maison d’idolâtrie pour éviter une poursuite, mais non dans leurs maisons[5]. Il faut se garder de jeûner le lendemain du sabbat, « à cause des Nazaréens »[6], probablement pour ne pas avoir l’air de chômer le dimanche.

Nous avons indiqué déjà quelques-uns des sujets controversés entre les Juifs et les Minim. Ce qui viendrait le plus directement à notre thème, ce sont les discussions sur le Messie et précisément on n’en rencontre pas. Tout au plus voit-on un Min demander à R. Abahou, sans doute par ironie, quand viendra le Messie[7]. Le rabbi répondit hardiment : « quand les ténèbres vous auront couvert », en citant Isaïe[8], qui oppose les peuples à Israël. Le Min était probablement un gentil, du moins d’origine.

On s’abstenait donc de discuter les titres du Messie, comme tel, ou du moins les textes gardent le silence sur ce point. En revanche ils sont assez éloquents sur ce qui était le point décisif de la controverse, la divinité de Jésus, car c’est bien à cela que font allusion les escarmouches sur les deux pouvoirs.

    sous silence : « toi qui fais vivre les morts », « qui abaisses les orgueilleux », « qui bâtis Jérusalem ». Ces trois cas conviendraient assez bien à un sadducéen.

  1. Voici le texte, Tosefta Bab. meṣ. ii, 33 : הגוים והרועים בהמה דקה ומגדליה לא מעלין ולא מורידין המינין והמשומדים והמסורות מורדין ולא מעלין. Le petit bélail était assez justement proscrit comme ravageant les champs.
  2. L’accusation d’immoralité relevée par M. Herford ne se rencontre qu’à une époque assez basse.
  3. Herford, l. l., p. 103, Tos. Ḥull. ii, 22 s.
  4. Herford, l. l., p. 155, citant Tos. Sabb. xiii, 5.
  5. Herford, l. l., p. 155, eod. lod.
  6. Herford, l. l., p. 160, citant b. ‘Abod. zar. 6a et b. Ta‘an. 27b.
  7. b. Sanh. 99a, Herford, p. 276 s.
  8. Is. lx, 2.