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et l’évocation de Samuel[1]. Les uns sont donc hostiles à l’Écriture elle-même et probablement des païens, les autres tellement durs pour Israël qu’ils sont des chrétiens, issus de la gentilité, ou juifs d’origine ayant complètement rompu avec le judaïsme ; d’autres enfin sont peut-être les derniers représentants des Sadducéens. Et de fait la tradition oscille quelquefois[2] entre Minim et Sadducéens[3], ou peuples du monde, ce qui désigne les Gentils[4].

Il convient donc de laisser au mot Minim toute l’extension qu’il a prise, fût-ce par catachrèse. M. Herford, qui a si bien prouvé contre M. Friedlander[5] que les Minim ne sont pas des gnostiques juifs, a trop restreint la portée de l’expression.

Cependant si, en droit, les Minim sont des hérétiques de plusieurs sortes[6], il faut reconnaître qu’en fait les rabbins visent le plus souvent les Juifs devenus chrétiens, et surtout ceux qu’on doit en toute rigueur nommer judéo-chrétiens, parce qu’ils ne voulaient pas rompre avec le judaïsme.

L’existence de ces groupements est attestée jusqu’au quatrième siècle finissant par saint Jérôme, qui a peut-être exagéré, mais n’a pas dû les inventer de toutes pièces[7] : « Il existe jusqu’aujourd’hui dans toutes les synagogues de l’Orient parmi les Juifs une hérésie qu’on nomme des minéens, et qui est jusqu’à présent condamnée par les Pharisiens ; on les désigne vulgairement comme Nazaréens ; ils croient dans le Christ, fils de Dieu, né de la Vierge Marie, et disent que c’est lui qui a souffert sous Ponce-Pilate et est ressuscité ; c’est bien aussi en

  1. L. l., p. 273 s.
  2. M. Herford concède qu’un certain Min est un persan (p. 262).
  3. L. l., p. 316.
  4. L. l., p. 300.
  5. Der vorchristliche jüdische Gnosticismus et : Encore un mot sur Minim, Minout et Guilionim dans le Talmud (Rev. des ét. juives, t. XXXVIII, p. 194-203). Dans le sens contraire : Israël Lévi, Le mot « minim » désigne-t-il jamais une secte juive de gnostiques antinomistes ayant exercé son action en Judée avant la destruction du Temple ? (eod. loc., p. 204-210).
  6. Énumération étrange de quatre sortes de Minim : ceux qui nient la résurrection, qui disent que Dieu n’accepte pas le pardon, qu’il ne donne pas de fils aux femmes stériles, et ne sauve pas du feu (dans Ialq. Chimeôni, Ps. lx, 9 (7) ; Herford, p. 323) ; ou dirait de gens qui nient certains points de l’Écriture, mais ce ne sont évidemment pas des sectes distinctes.
  7. Ep. 112 ad August. : Usque hodie per totas Orientis synagogas inter Judaeos haeresis est, quae dicitur Mineorum, et a Pharisaeis nunc usque damnatur, quos vulgo Nazaraeos nuncupant, qui credunt in Christum filium Dei, natum de virgine Maria, et dicunt esse qui sub Pontio Pilato passus est, et resurrexit, in quem et nos credimus ; sed, dum volunt et Iudaei esse et Christiani, nec Judaei sunt, nec Christiani (P. L. t. XXII, c. 924).