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ver un souvenir exact de la passion de Jésus. L’histoire précise était, comme on sait, la moindre de leurs préoccupations. Mais les rabbins de Lydda eurent souvent maille à partir avec des controversistes chrétiens. Ces derniers durent alléguer la naissance miraculeuse de Jésus, annoncée par Isaïe, sa prédication, ses miracles, sa mort rédemptrice et sa résurrection.

Les rabbins n’ont pas toujours refusé la discussion ; mais, officiellement, on affecta le mépris. On se contenta de dire que Jésus, s’il n’était pas le fils du mari de sa mère, était donc né de l’adultère, que sa prédication et ses miracles relevaient de la magie et de l’hérésie, qu’il était mort, justement condamné par les chefs du peuple, sans que personne eût pris sa défense. Ce sont bien les mêmes qui prétendirent que Bar-Kokébas avait été tué par les rabbins, n’ayant pu faire la preuve de ses prétentions messianiques[1].

Assurément tout cela est bien peu digne d’une grande religion. L’attitude du Talmud envers Jésus est ce qui lui fait le moins d’honneur, et on aime à croire que les Juifs cultivés de nos jours rougissent de leurs anciens maîtres. Ils n’ont éprouvé d’autre sentiment que la haine, et n’ont employé comme argument que des grossièretés contre Celui que beaucoup d’Israélites, même très éloignés du christianisme, regardent comme l’honneur et la fleur la plus exquise de leur race.


II. — DISCUSSIONS ENTRE RABBINS ET CHRÉTIENS.


Vis-à-vis des chrétiens, la tactique adoptée peut se résumer en deux mots : leur faire le plus de mal possible, quand on pouvait, et, quand on était contraint par les circonstances à une attitude pacifique, ce qui était le cas le plus ordinaire, se préserver soigneusement d’un contact jugé plein de périls.

Sur le premier point, il y aurait beaucoup à dire, mais ce n’est pas ici le lieu : la participation des Juifs à toutes les persécutions contre les chrétiens, — souvent provoquées par eux, — touche à l’histoire générale, Saint Justin affirme que les Juifs se débarrasseraient d’eux par la force s’ils n’en étaient empêchés par le pouvoir[2].

Ce qui nous intéresse ici davantage, c’est l’attitude intellectuelle du judaïsme.

Cette attitude envers les chrétiens, surtout envers les chrétiens d’ori-

  1. Voir p. 229.
  2. Dial. contre Tryphon, c. xvi : Οὐ γὰρ ἐξουσίαν ἔχετε αὐτόχειρες γενέσθαι ἡμῶν διὰ τοὺς νῦν ἐπικρατοῦντας· ὁσάκις δὲ ἂν ἐδυνήθητε, καὶ τοῦτο ἐπράξατε.