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Les indécis, si sévèrement jugés par un stoïcien sincère, n’en étaient pas moins très nombreux. C’est à eux que s’applique, vers la même époque, le témoignage de Dion Cassius. Il en est à se demander d’où vient le nom de Juifs, tant il a pris l’aspect d’une confession religieuse[1].

Quelle est l’origine de cette dénomination ? je l’ignore ; toujours est-il qu’on l’étend à tous les hommes, même de race différente, qui suivent les lois des Juifs. Cette espèce se rencontre même parmi les Romains ; bien des fois réprimés, ils ont toujours repris des forces et ont fini par conquérir le droit de pratiquer librement leurs usages.

De leur côté, les Juifs semblent avoir traité avec égard ces timides, encore indécis. Ils étaient sur la bonne voie. Naturellement les docteurs ennemis des prosélytes devaient étendre leur défiance jusqu’à eux. Mais c’était le petit nombre. Les textes rabbiniques les connaissent sous leur nom précis de « craignants Dieu », qui devient dans leur langue « craignants le ciel ». On ne leur dit pas ces choses désobligeantes qui s’adressent parfois aux prosélytes. On va jusqu’à promettre qu’ils recevront le nom d’Israël[2], pour expliquer un passage d’Isaïe[3]. M. Lévi a cité plusieurs autres textes fort curieux. Khanin, rabbin palestinien de la fin du iii}e et du commencement du iv}e siècle, disait :

Il est écrit au sujet des villes maritimes ce que même la génération du déluge n’a pas éprouvé, qu’elles seraient dignes d’une extermination complète (d’après Sophonie, ii, 5). A quel mérite donc doivent-elles de subsister ? A celui que leur procure un seul prosélyte, un seul « craignant le Ciel » qu’elles produisent chaque année[4].

On leur fit même une grâce suprême en supposant qu’ils avaient été

    mettre en doute la nécessité de la circoncision. Si elle n’est pas nommée par le traité Guérim, c’est peut-être par omission du scribe (Rev. des ét. juives, t. LIII, p. 99 ss.) ou parce qu’elle allait de soi. Par ailleurs il semble résulter de j. Qiddouchin cité, que le baptême n’est pas un simple bain de purification ; il a en vue la reconnaissance des préceptes sacrés imposés à Israël.

  1. Hist., XXXVII, c. xvii, § 8.
  2. Mekilta sur xxii, 20 : « Quatre classes de personnes disent à Dieu : « Je suis à Dieu », car il est écrit : « Celui-ci dira : Je suis à Dieu ; celui-là se réclamera du nom de Jacob ; tel écrira sur sa main : à l’Éternel, et tel recevra le nom d’Israël » (Isaïe, xliv, 5). — « Je suis à Dieu » et le péché ne se mêle pas à moi ; « celui-ci se réclamera du nom de Jacob » : ce sont les prosélytes de la justice ; « tel écrira de sa main : « à l’Éternel » : ce sont les pécheurs repentants ; et « tel recevra le nom d’Israël » : ce sont ceux qui craignent le Ciel ». Trad. de M. Lévi, Revue des études juives, t. L, p. 4. C’est de là que ce savant infère que « tous sont Israélites » ; mais il est évident qu’il ne faut pas faire trop de fond sur une dénomination purement exégétique. Tous les autres textes protestent contre cette assimilation.
  3. Is. xliv, 5.
  4. Revue des ét. j., t. L, p. 8. Traduction de M. I. Lévi, dans Berechith rabba, xxviii.