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de sa famille, on sent percer l’attachement du peuple pour la dynastie des grands prêtres. Antoine fit frapper de la hache Antigone, malgré la répugnance des Romains à sévir contre ceux qui avaient porté la couronne, parce que c’était le seul moyen de décourager les Juifs[1]. Ils ne se découragèrent pas encore tout à fait, et leurs sympathies se reportèrent sur le jeune Aristobule, qu’Hérode, cédant à l’obsession de sa belle-mère Alexandra, mère de ce jeune prince et de Mariamne, avait nommé grand prêtre. Le tyran s’en offensa ; sous prétexte de jouer et de faire l’enfant avec son beau-frère, il le fit noyer dans la piscine de Jéricho[2].

Entre les Pharisiens qui regardaient peut-être le règne d’Hérode comme un stage préliminaire à la période messianique, comme un temps de préparation, d’expiation et de purification, mais qui renonçaient du moins à une action immédiate, et l’aristocratie engagée avec les Asmonéens, ou le peuple touché de leurs malheurs et sensible aux anciennes gloires, il n’y avait pas encore de place pour un parti messianique agissant. Si la cause religieuse paraissait liée à l’un des partis en lutte, c’était plutôt à celui des rois nationaux. C’est dans ce sens que nous relevons à ce moment un léger indice de confiance dans une intervention surnaturelle de Dieu. Au moment où Hérode et Sosius assiégeaient Jérusalem, les Juifs de l’intérieur de la ville « prophétisaient au sujet du temple et faisaient des vœux pour le peuple, convaincus que Dieu les délivrerait du danger »[3]. Mais cette espérance vague, la même que du temps de Jérémie, ne se colore de rien de précis. Le salut de la ville c’eût été alors celui d’Antigone. Pollion et Saméas, les chefs des Pharisiens, faisaient des vœux pour Hérode. Personne ne songeait à demander le salut à un inconnu, l’élu de Dieu pour la délivrance d’Israël.

Le règne d’Hérode (37 à 4 av. J.-C.) sembla d’abord donner satisfaction aux exigences légitimes de ceux qui faisaient passer avant tout la religion. Les coups du nouveau maître frappaient l’aristocratie attachée à l’ancien régime. Quoique les comparaisons de ce genre soient rarement utiles, on peut rappeler ici les premières années du règne de Napoléon III, boudé par les légitimistes, accueilli avec une ardente sympathie par les catholiques indifférents aux luttes des partis. Hérode s’exprimait alors comme un Judas Macchabée. Dans une grave circonstance, après un tremblement de terre affreux, battu par les Arabes, il

  1. Ant. XV, i, 2.
  2. Ant. XV, iii, 3.
  3. Ant. XIV, xvi, 2: πολλοί τε ἐπεφήμιζον περὶ τὸ ἱερὸν καὶ πολλὰ ἐπʹ εὐθυμίᾳ τοῦ δήμου ὡς ῥυσομένου τῶν κινδύνων αὐτοὺς τοῦ θεοῦ (Niese).