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ne pouvait honorer Dieu que par l’observation de cette loi, et le premier point de cette loi, celui qui avait pour but d’affilier à Israël, c’était la circoncision. Ce qui crée ici la confusion, c’est que nous entendons volontiers prosélyte dans le sens de catéchumène, tandis que le prosélyte est simplement un juif d’origine étrangère. Cela, M. Bertholet l’a montré mieux que personne en analysant l’opinion de Philon. Ce type du Juif helléniste, ce demi-platonicien ne pense pas autrement que les Juifs de Palestine : on n’appartient pas à la société juive sans être circoncis. M. Lévi qui a bien établi, contre M. Bertholet, que les « craignants Dieu » n’étaient point des prosélytes, a donc tort à son tour lorsqu’il prétend que, malgré les différences, « tous sont Israélites »[1], ou que du moins les « craignants » sont des demi-juifs. Peut-être prétendaient-ils l’être, mais quelle société religieuse, consciente de ses droits, pourrait consentir à une pareille compromission ?

La circoncision ne pouvait être abrogée qu’avec la Loi elle-même, comme, en se faisant circoncire, on s’obligeait à garder toute la Loi[2]. Les Juifs, qui n’autorisaient aucun des leurs à se dispenser[3], ne pouvaient, et à plus forte raison, dispenser les autres de leur donner un gage de fidélité qui remplaçât le lien du sang, et, pour tout dire, c’était la Loi!

Qu’il y ait eu des esprits plus larges, c’est ce que prouve l’histoire d’Izate, si souvent contée d’après Josèphe[4] ; rien de plus caractéris-

  1. Revue des études juives, t. L, p. 5. Ce savant distingué nous paraît avoir atténué un peu cette opinion, en soutenant, cette fois contre M. Schürer, que guer tochab (גר תושב) signifie quelquefois, quoique rarement, demi-prosélyte, ou σεβόμενος. Ainsi b. Guittin, 57b : « baraïta : Naaman était un guer toschab, Nebuzaradan un guer cédek » (prosélyte de justice). Il conclut aujourd’hui : « l’expression toschab a suivi une évolution parallèle à celle de guer : de même que celle-ci perdait son sens primitif de métèque pour prendre celui de prosélyte du second degré, le toschab, distingué dans l’Écriture du guer, devenait un demi-prosélyte, synonyme de craignant le ciel ». Rev. des ét. juives, LIII (1907), p. 56. Mais tochab n’aurait cependant ce sens que comme qualifiant guer !
  2. Gal. v, 3.
  3. C’est à quoi fait allusion Pétrone dans des vers où, selon nous, il n’y a pas de changements à introduire ; Frag. 37, dans Poetae minores, iv, 98 :

    Iudaeus licet et porcinum numen adoret
    Et caeli summas advocet auriculas,
    Ni tamen et ferro succiderit inguinis oram.
    Et nisi nodatum solverit arte caput,
    Exemples populo Graia migrabit ab urbe
    Et non ieiuna sabbata lege premet.

    M. Reinach lit : Graius migrabit ad urbes, comme si la loi ne s’appliquait qu’en Judée où on suppose que se place Pétrone ; mais le texte du manuscrit, plus difficile, est cependant bon : la communauté juive forcera le récalcitrant à quitter une ville grecque… C’est un comble !

  4. Ant. XX, ii, 1-4.