Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/268

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Messie, nommé ici rédempteur, l’est donc au même titre que Moïse, car c’est Moïse qui a disparu pour un temps au Sinaï et s’est montré de nouveau.

Ces différentes solutions sur les souffrances du Messie ont été groupées et systématisées dans Pesiqta Rabbathi, du commencement du xe siècle. C’est comme une synthèse à laquelle s’arrêtèrent certains rabbins sur ce grave sujet.

On peut la résumer ainsi[1]. Au commencement de son existence, au moment de la création du monde, le Messie apprend la dure destinée qui l’attend et se déclare prêt à l’endurer. Quand il a paru dans le monde, son peuple ne le reconnaît pas ; les païens l’emprisonnent et le menacent de mort. Mais Dieu le sauve, une lumière surnatuelle le désigne et il annonce le salut à Israël du sommet du temple. Il triomphe de ses ennemis. On prévoit obscurément une nouvelle crise dans une dernière révolte des peuples ; mais enfin Israël est vainqueur. Le salut, même dans ces pages qui attribuent plus d’importance qu’aucun autre document juif aux souffrances du Messie, le salut, c’est donc, comme toujours, d’après cet idéal, la victoire du peuple d’Israël, auquel peuvent s’associer les Gentils prosélytes. Que font donc les souffrances ? Ne sont-elles qu’une ombre préparée pour ménager la lumière, un simple effet de contraste ? Non assurément. Le Messie, en les acceptant volontairement, mérite une récompense, et sa justice expie. Le peuple avait mérité la colère de Dieu. Compromis par des impies, il devait être réconcilié. Les souffrances du Messie opèrent cette réconciliation, comme une sorte de lustration en faveur du peuple. Mais sa justice n’est pas la justice de tous. Son expiation n’est qu’un poids de plus dans la balance où figuraient déjà les mérites des Pères, pour apaiser l’ire divine, et pour permettre aux justes d’entrer en possession du salut.

Il serait oiseux d’insister sur les variations de ce thème dans le rabbinisme postérieur[2]. Un seul point doit être retenu : dans l’ancien rabbinisme il n’est jamais question de la mort expiatrice du Messie, fils de David. Si parfois on parle de sa mort, comme dans le quatrième livre d’Esdras, cette mort est le terme naturel de son règne glorieux ; elle n’est jamais la source du salut et la raison d’être du pardon.

Et il ne pouvait en être autrement, sans que le judaïsme renonçât

  1. Chap. 34-37 ; analyse détaillée dans Dalman, op. laud.
  2. Lorsque l’existence cachée du Messie fut transportée au Paradis, les souffrances n’étaient plus que l’impatience ressentie par le Messie de jouer son rôle.