Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la simplicité des Apôtres et la subtile casuistique des rabbins.

La fin du chapitre liie d’Isaïe inaugure, dans la gloire, le dernier et le plus important des textes sur le Serviteur. Le Serviteur est donc d’abord le Messie d’après le Targum ; mais aussitôt qu’il est endolori au point de perdre l’aspect d’un homme, cela est mis sur le compte d’Israël pendant la période douloureuse de l’attente ; puis brusquement c’est le Messie qui reparaît pour recevoir les hommages des rois. Trois changements en trois versets[1].

Au chapitre liii, le Serviteur s’élève comme un rejeton ; cela rappelle à Jonathan la fécondité des arbres plantés au bord des eaux, et, si la terre est desséchée, c’est que le pays d’Israël avait besoin de secours. Il n’avait ni beauté, ni charme : entendez-le d’un charme profane et ordinaire ; son éclat était un éclat de sainteté que seuls pouvaient admirer ceux qui savaient son secret[2].

Les mépris et les douleurs ne pèsent plus sur le seul Serviteur. Les Gentils le comptaient pour rien… mais il le leur a fait payer cher ; c’est eux qui sont maintenant déchus et tristes. D’ailleurs, les Israélites aussi avaient été méprisés, lorsque leurs fautes avaient mérité l’éloignement de la présence sensible de Dieu[3].

Ne pas lire : il a été brisé pour nos iniquités, mais seulement : il prie, et, à cause de lui, Dieu pardonne[4].

Maintenant c’est le Temple — dont le texte ne dit pas un mot ! — qui est substitué au Serviteur ; il a été profané à cause des fautes d’Israël ; mais le Messie le rebâtira, et tout ira bien si l’on se conforme à sa doctrine[5].

Quand le texte dit : « il s’est humilié et n’a pas ouvert la bouche », Jonathan traduit : « il a été exaucé avant même d’ouvrir la bouche pour prier » ; ensuite, au lieu d’être traité comme un agneau conduit à la boucherie, c’est lui qui entraîne les peuples au carnage ; tous les mots y sont, mais les rôles sont renversés[6].

Que le Serviteur soit enlevé de la terre des vivants, cela veut dire qu’il purgera le sol d’Israël de ses ennemis, de sorte que les peines encourues par les péchés d’Israël retomberont sur les peuples, tant ce bon Israël était disposé à expier pour les autres[7] !

Il ne pouvait être question de la mort du Messie ni de sa sépulture,

  1. lii, 13-15.
  2. v. 2.
  3. v. 3.
  4. v. 4.
  5. v. 6.
  6. v. 7.
  7. v. 8.