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prosélytisme. Il conquit Sichem et détruisit le temple schismatique du Garizim ; puis il annexa l’Idumée et força les gens du pays à se faire circoncire.

Sous un prince qui était en même temps grand prêtre, et qui combattait si énergiquement les guerres du Seigneur, on ne devait pas se préoccuper beaucoup du Roi-Messie, à moins d’admettre que Hyrcan lui-même n’en remplît dans une certaine mesure les fonctions. Aussi Josèphe lui attribue-t-il avec quelque emphase trois prérogatives qu’on peut qualifier de messianiques : le pouvoir, le sacerdoce et la prophétie, supposant un commerce habituel avec Dieu[1].

Si on caressa cette pensée dans certains cercles[2], ce ne fut assurément pas parmi ceux qui connaissaient le mieux la tradition nationale, puisque le Messie devait descendre de la race de David. Et en effet c’est de ce temps que date l’hostilité des Pharisiens contre les Asmonéens. Pourtant ce qui leur déplaît dans cette famille, ce qu’ils ne peuvent supporter, ce n’est pas qu’elle détienne le principat : on y consentirait volontiers ; mais, au gré du Pharisien Eléazar, Hyrcan aurait dû renoncer au pontificat[3], parce que sa mère aurait été captive au temps d’Antiochus Épiphane.

Ce grief sera soulevé de nouveau, et avec plus de violence, contre Alexandre Jannée [4]. Ce n’est donc point une question de prétentions messianiques qui sépare les Pharisiens et les Asmonéens, mais une pure formalité cultuelle. La difficulté soulevée par Éléazar n’était pas fondée en droit écrit[5] : Hyrcan, d’abord disciple des Pharisiens, en conçut une vive haine contre leurs traditions surérogatoires. Le conflit était né entre deux tendances qui s’accuseront de plus en plus par le jeu de l’opposition entre deux principes et deux partis politiques.

Aristobule (104 à 103 av. J.-C.), fils de Jean Hyrcan, se déclara roi en prenant le diadème. Son frère et successeur, Alexandre Jannée (103 à 76 av. J.-C.), aimait à se donner comme Philhellène. Il n’en était pas moins un roi juif, poursuivant lui aussi la conquête des villes et des tribus voisines pour les contraindre à la circoncision. Les Pharisiens refusèrent de nouveau de le reconnaître comme grand prêtre,

  1. Bell. I, ii, 8: τρία γοῦν τὰ κρατιστεύοντα μόνος εἶχε, τήν τε ἀρχὴν τοῦ ἔθνους καὶ τὴν ἀρχιερωσύνην καὶ προφητείαν· ὡμίλει γὰρ αὐτῷ τὸ δαιμόνιον, ὡς μηδὲν τῶν μελλόντων ἀγνοεῖν. Cf. Ant. XIII, x, 7.
  2. Voir plus loin, p. 68 ss., ce qui sera dit des Testaments des douze patriarches.
  3. Ant. XIII, x, 5.
  4. Ant. XIII, xiii, 5.
  5. Lev., xxi, 14 exigeait seulement que la femme du grand prêtre fût une vierge Israélite; cf. Ez. xliv, 21. Josèphe ajoute d'ailleurs que le fait lui-même était faux.