Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/221

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’écartait en cela de l’opinion commune, appuyée sur le texte du prophète. A quoi bon cet ornement, dans une époque si glorieuse ? ne serait-ce pas une lampe en plein midi[1] ?

La soumission des empires était regardée comme une sorte d’hommage rendu au Messie. Les députés des peuples venaient le trouver et lui portaient des présents comme à un monarque quelconque, le plus puissant de tous. C’est ainsi qu’Ismaël décrivait la situation d’après les idées de son père José, disciple d’Aqiba[2] :

Lorsque les Égyptiens apporteront leur présent, au Messie, il se demandera s’il ne doit pas le refuser. Mais Dieu dira au Messie : Reçois-le de leur part, car les Égyptiens ont donné l’hospitalité à mes fils en Egypte ; et alors : Les principaux d’Égypte viendront (Ps. viii, 32). L’Éthiopie se croira autorisée à plus forte raison, se disant : Si ceux-ci qui ont assujetti les Israélites sont ainsi traités, n’en sera-t-il pas ainsi de moi qui ne les ai pas assujettis ? Dieu dira au Messie : Reçois leur présent ; et alors : l’Éthiopie tendra ses mains vers Dieu (Ps. lxviii, 32). [Ceux du] royaume d’Ismaël se croiront autorisés à plus forte raison, et diront : Si ceux-ci qui n’étaient pas leurs frères sont ainsi traités, n’en sera-t-il pas ainsi de nous qui sommes leurs frères ? Dieu dira à Gabriel : Menace la bête des roseaux (Ps. lxviii, 31)… car il est écrit : Le sanglier de la forêt la dévore, et les bêtes des champs en font leur pâture (Ps. lxxx, 14).

On admire ici la sagacité avec laquelle ces anciens tannas savaient reconnaître dans les textes les allusions aux temps du salut. Cependant ils entendaient d’un hommage temporel rendu au Messie ce qu’il eût fallu entendre de la conversion des peuples. On sourit de la naïveté des Romains. Les rabbins avaient pris l’habitude de les désigner sous le nom d’Édom ou d’Ésaü, quelquefois d’Ismaël ; les Romains s’appuient sur cette fraternité qui leur est reconnue, sans soupçonner la haine qu’elle dissimule, la vieille haine fraternelle contre Ésaü ou Ismaël. Dieu, pour ne pas troubler la paix du Messie, ordonne à Gabriel de les chasser et les compare au sanglier mal-

  1. x
  2. x